Engager au maximum les élèves en classe, c’est leur donner le pouvoir d’enseigner. C’est la conviction de Jean-Charles Cailliez, vice-président en charge de l’innovation à l’Université Catholique de Lille, qui pratique la « classe renversée » avec ses élèves en licence Biologie. Retour d’expérience présenté le 29 janvier à l’occasion du salon Learning Technologies France.
« Pendant à peu près 25 ans, j’ai enseigné de manière classique. Mais depuis 12 ans, j’ai décidé de transformer ma classe en start-up à impact », explique Jean-Charles Cailliez, professeur de biologie cellulaire et moléculaire à l’Université Catholique de Lille. Son ambition ? Faire en sorte que les étudiants sortent de la posture de consommation de connaissances et qu’ils contribuent à leur production. Sans abandonner le cours magistral, ce professeur a ainsi décidé d’introduire des activités collaboratives, en présentiel comme à distance, et de mettre en place la pratique de la classe renversée.
Entraide et co-production
L’objectif de la classe renversée est avant tout de créer des interactions entre les élèves puisque « l’une des compétences sociétales majeures qui sont attendues au sein des entreprises et des institutions, c’est la capacité d’un collègue à aider ses pairs ». Concrètement, il s’agit de transformer la pédagogie en « pairagogie » afin que les élèves apprennent autant d’eux-mêmes que de leur enseignant. Au contraire de la classe inversée, la classe renversée consiste ainsi pour un élève à endosser le rôle de l’enseignant. Une démarche qui permet à ce dernier d’évaluer leurs connaissances : « Voir si mes élèves sont capables de m’enseigner la génétique me permet de savoir s’ils sont capables de la comprendre », assure-t-il. Concrètement, les 80 étudiants sont regroupés en équipes de 6 personnes ayant des niveaux scolaires hétérogènes. Ils construisent le cours par eux-mêmes et peuvent même concevoir des questions d’examen. « La classe devient ainsi une micro-entreprise qui construit de la connaissance en produisant des chapitres de génétique », ajoute-t-il.
Des notes communes
La méthodologie qui a été mise en place, appelée « co-design », consiste également à créer des exercices de travail collaboratif et à faire en sorte que les élèves avancés viennent en aide à ceux qui ont de moins bons résultats. À partir de titres de chapitres donnés par leur professeur, les étudiants construisent des plans de cours sur les virus, les bactéries, la vaccination… Chaque groupe d’élèves peut voir les contenus produits par les autres groupes et surligner les passages qu’ils n’ont pas compris afin qu’ils soient explicités par la suite. L’idée est que chaque groupe devienne spécialiste d’un domaine en vue de l’enseigner aux autres en classe. « Dans ce contexte, la classe renversée a produit un effet original : les élèves sont perturbés lorsqu’ils écoutent un camarade mieux informé qu’eux. Cela leur donne envie de se hisser à son niveau », indique-t-il. De son côté, le professeur valide leurs plans. Mais puisqu’il prend aussi une posture d’élève, il leur pose des questions. « Cela m’a permis de constater que la meilleure façon d’apprendre, c’est d’enseigner. » Enfin, puisqu’ils travaillent en groupe, ils se voient attribuer des notes communes.
Un système de points pour valoriser les élèves
Le professeur a enfin conçu un système de points et de valorisation qui permet aux étudiants d’être gratifiés lorsqu’ils décèlent des erreurs ou lorsqu’ils amorcent un dialogue entre les groupes sur une notion de génétique. « Le jour de l’examen, ils peuvent avoir accès au cours, à Internet et à ChatGPT. Je ne contrôle donc pas leur niveau de connaissances, mais la mobilisation des connaissances », dit-il. Enfin, les 80 étudiants donnent une note à leur professeur à la fin de chaque séance. Lorsqu’il identifie les points de cours qui posent problème, il en fait l’objet du cours suivant. « Ainsi, si la meilleure façon d’apprendre est d’enseigner, la meilleure façon d’enseigner, c’est d’apprendre des autres. Mes élèves m’apprennent en effet des notions incroyables, surtout depuis que l’IA existe. Cela permet de créer une véritable communauté apprenante en classe », conclut-il.