Le mode de vie hyperconnecté des apprenants perturbe leurs capacités d’apprentissage et de mémorisation. Si beaucoup pensent que la solution réside dans le micro-learning, cette modalité n’est pourtant pas la panacée pour toutes les étapes d’apprentissage. D’autres solutions existent.

Afin de mieux comprendre l’impact de l’omniprésence du digital sur l’apprentissage, il est important de se pencher sur les apports des neurosciences, qui nous apprennent notamment que la surcharge cognitive est le principal effet néfaste de l’hyperconnexion. « Une information qui arrive dans le cerveau préactive des réseaux neuronaux liés à cette information. Si cette notion lui semble importante, la personne va ensuite activer ces réseaux et ainsi pouvoir l’appréhender et la comprendre », a expliqué Marie Prévost, docteure en neurosciences et présidente de la Fabrique à Neurones, à l’occasion d’un webinaire organisé par Wooclap.

Le multitâche fait perdre un temps précieux

En revanche, lorsqu’on se trouve dans une situation multitâche, on se confronte à un nombre important d’informations en même temps. Le processus d’activation est ainsi interrompu et la personne aura alors du mal à s’engager dans la compréhension et le traitement de l’information. « Ce phénomène d’arrêt et de relance crée de la confusion puisqu’il préactive plusieurs réseaux en même temps. Contrairement à ce que l’on pense, le multitâche fait donc perdre beaucoup de temps et augmente le nombre d’erreurs. Car on ne se laisse pas le temps physiologique nécessaire à l’activation des réseaux neuronaux », ajoute-t-elle. En résumé, il est beaucoup plus efficace d’aller au bout d’une tâche déjà entamée que d’en assurer plusieurs.

Un impact négatif sur l’apprentissage

La conséquence logique de ce phénomène sur les processus d’apprentissage est la fatigue de l’apprenant en raison de la surcharge cognitive et émotionnelle. Dans une situation d’apprentissage, comprendre une nouvelle information (un mot, une compétence, un savoir-faire), requiert du temps et de la concentration. En effet, lors de cette étape cruciale, l’apprenant commence à créer les réseaux neuronaux qui correspondent à cette nouvelle information. « Il le fait notamment en connectant cette dernière à d’autres réseaux préexistants. C’est la raison pour laquelle il peut être très utile de faire le lien entre une nouvelle notion et des éléments familiers ou des anecdotes. Mais si l’apprenant se trouve dans une situation d’hyperconnexion, il « casse » la préactivation et l’activation alors même qu’il est en train d’essayer de construire un savoir », souligne-t-elle.

Le micro-apprentissage : une demi-solution

Le micro-learning ne remplit pas toujours cette mission. Solliciter l’apprenant à travers des formats explicatifs très courts comme des vidéos n’est efficace que dans un second temps de formation. « Le cerveau apprécie le challenge via des quizz ou des défis. Mais ce procédé n’est bénéfique que lorsqu’il prend la forme de rappels pour consolider des apprentissages déjà ancrés », assure Marie Prévost. Par ailleurs, le phénomène biologique de « potentialisation à long terme », qui suppose que les synapses soient sollicitées régulièrement, est nécessaire à la mémorisation, puis à la consolidation. « Pour que cette potentialisation se mette en place au démarrage, il faut pouvoir y consacrer du temps, notamment pour que l’information soit réutilisée. Dans ce sens, s’exposer à des contenus brefs pour ensuite passer à autre chose ne permet pas d’assurer la potentialisation. »

Insuffler une culture apprenante

L’une des solutions est d’alterner les modalités : mettre à disposition des micro-contenus, mais uniquement pour consolider des apprentissages acquis de façon plus traditionnelle, ainsi que des formats plus longs. Par ailleurs, pour renforcer l’attention dans un contexte d’hyperconnexion, il faut réussir à attirer les apprenants. « L’apprentissage sans effort n’existe pas. Mais il est possible de faire en sorte que cet effort soit plaisant. Cela peut se faire grâce à des classements, des mises en situation… », indique-t-elle. Enfin, développer un esprit d’entreprise apprenante permet d’embarquer les apprenants de façon plus durable. Tandis que le micro-learning est une pratique individuelle, la culture d’apprentissage collectif renforce l’attractivité de la formation.