À l’occasion de l’EdTech Day, organisé le 6 novembre par l’association EdTech Lyon, des chercheurs, des enseignants et des porteurs de projets se sont réunis autour de débats qui animent le monde de l’éducation. Inclusion, co-éducation, intelligence artificielle, sensibilisation aux enjeux de société… Plusieurs enjeux ont émergé. Voici ce qu’il faut en retenir.

Le dialogue avec la recherche

Le dialogue entre les porteurs de solutions et le monde de la recherche apparaît comme un axe important de développement. Ces derniers doivent permettre aux chercheurs d’avoir un regard sur leur outil afin de proposer des pistes d’amélioration. « Le fait que des chercheurs travaillent avec les équipes EdTech pour mettre en valeur les usages et les impacts suscite une adhésion plus forte que lorsque l’entrepreneur est seul », a souligné Marie-Caroline Missir, directrice générale de Réseau Canopé. Une autre « alliance » est importante, celle qui réunit les élèves, les enseignants et les parents afin qu’ils puissent, ensemble, porter une conviction commune et accompagner les usages. « Une enseignante qui a témoigné lors de cet événement a bien insisté sur le rôle des parents dans l’utilisation des outils », ajoute-t-elle.

La sensibilisation aux enjeux de société

Reverto, une EdTech qui propose de sensibiliser aux problématiques sexistes et au harcèlement en entreprise, développe une solution convaincante de ce point de vue. « Les acteurs présents lors de l’événement ont aussi évoqué la question de l’acculturation des pouvoirs publics. Cela prouve d’ailleurs que des partenariats entre la recherche, les entreprises et les usagers du service public peuvent vraiment changer les comportements graves de harcèlement », explique-t-elle.

Partir du terrain

EdTech Day a également mis en évidence l’importance de l’approche qui part des usages pour développer des solutions. Car l’humain doit rester au centre des pratiques : « L’écoute et la co-construction crée de la créativité chez les acteurs. C’est un élément essentiel pour s’approprier les technologies qui, seules, ne font rien en soi. C’est vraiment les humains qui ont la capacité de l’exploiter au mieux », a assuré Gérard Giraudon, directeur de recherche à l’Inria, « Dans le monde des EdTech, le terme « dispositif » est intéressant car il est impossible de séparer l’outil de son usage », souligne pour sa part Eric Sanchez, professeur à l’Université de Genève. « C’est par exemple le cas de l’application CyberEmi, qui sensibilise les élèves aux bonnes pratiques du numérique. Elle fait le pari de partir des usages des élèves pour se développer », a illustré Marie-Caroline Missir.

Valoriser la multi-expertise

« Produire des ressources et des dispositifs est un processus multi-expertise. Ingénieurs pédagogiques, experts du contenu, développeurs informatiques… Tous ces acteurs doivent travailler en équipe pour assurer un partage des savoirs », observe Eric Sanchez. L’EdTech Day a été l’occasion de mettre en valeur les approches systémiques. « C’est intéressant car les choses doivent être appréhendées de manière globale et qu’il existe un enjeu d’adaptation des usages au contexte », a-t-il expliqué.

Le pair à pair : une approche à développer

Situés au centre de l’apprentissage, les humains, en interagissant entre eux, ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre d’une solution. « Cela dépasse les capacités, y compris futures, de la technologie. À cet égard, les boucles de feedback, par exemple lorsqu’il s’agit de conception de manuels scolaires, sont très importantes. Lorsqu’une directrice de collection obtient des retours de 150 enseignants, cela peut générer du stress. Mais en même temps, ces retours assurent la richesse de l’élément final », a expliqué Jonathan Banon, co-fondateur de Le Livre Scolaire. Pour lui, il est également intéressant de mettre en place des approches de responsabilisation de l’apprenant, notamment via des solutions qui proposent des mécanismes d’évaluation entre élèves.

Démocratiser la prise en main de l’IA

À condition d’être correctement maîtrisée et prise en main, l’IA est un accélérateur qui permettra d’augmenter l’intelligence humaine. « Mais mon inquiétude, c’est qu’elle risque d’amplifier les fractures puisque ceux qui ne sauront pas l’utiliser seront sous performants. Et puisqu’il s’agit d’un choix politique, le politique doit s’en emparer », alerte Erich Sanchez. Par conséquent, l’enjeu que cette technologie soulève est la formation des acteurs afin que tous puissent l’adopter. « Les changements de pratiques en lien avec l’adoption des outils nécessitent un accompagnement de la part des équipes pédagogiques », assure ainsi Gérard Giraudon. Une conviction que partage Marie-Caroline Missir : « L’IA pose un défi éducatif passionnant pour les enseignants. Notre responsabilité aujourd’hui est d’agir pour les former et les acculturer. »