Bien que l’e-learning se généralise depuis une trentaine d’années, l’enseignement à distance qui s’est imposé lors de la crise sanitaire a fait émerger de nouveaux enjeux quant aux nouvelles pratiques pédagogiques des enseignants. Comment devrait se transformer leur expertise à l’ère du numérique ? Réponses.
Questionner l’utilité des outils
L’utilisation du numérique dans les pratiques pédagogiques suppose d’en retirer tout le potentiel au seul service de l’enseignement. En effet, l’expertise de l’enseignant se trouve désormais dans sa capacité à proposer et construire des activités pédagogiques qui permettent un transfert réussi entre un savoir et sa mise en pratique. « Le numérique doit être déployé comme un moyen de mise en place de projets éducatifs innovants et engageants pour les apprenants », explique Marine Croze, chargée de projets éducatifs chez Synergie Family, dans le cadre d’un webinaire organisé par Hub EdTech Sud. À condition que les enseignants soient formés au numérique éducatif, ces derniers doivent être capables de reconnaître et choisir l’outil le plus à même de répondre à leurs objectifs pédagogiques, qu’il faut définir au préalable.
Ne pas simplifier les usages
Les outils technologiques ne doivent pas se limiter à la mise à disposition de contenus digitaux (vidéos, ressources, quizz…). « Il faut plutôt envisager les technologies comme des outils devant prendre en compte la dimension pédagogique des activités scolaires », souligne Jérôme Boukaïa, consultant numérique éducatif chez Apple. C’est en particulier le cas des classes inversées, qui ont souvent été abordées, selon lui, comme un système simpliste consistant pour les apprenants à consulter des ressources à domicile puis, en classe, à réaliser des exercices. Plutôt que de miser sur ces tâches que l’outil simplifie, une pratique comme la remédiation pédagogique consisterait davantage à co-construire des connaissances avec les étudiants, à les répartir en ateliers de travail, à mutualiser les résultats… « Les enseignants qui se sont le mieux adaptés au basculement des enseignements à distance sont ceux qui ont le mieux intégré ce changement de pratiques consistant à mettre les outils au service de leur pédagogie », pointe-t-il.
Ne pas opposer présentiel et distanciel
Le retour au 100 % présentiel étant exclu, penser l’activité enseignante suppose désormais d’intégrer le concept d’hybridation dans les pratiques pédagogiques. « De la même manière que l’on n’opposerait pas livres physiques et numériques, on ne peut opposer présentiel et distanciel dans le cadre d’une transformation digitale réussie », assure Jean-Michel Lavallard, président de MIMA Campus. « Le e-learning et les parcours en ligne ne favorisent pas l’ancrage mémoriel. Le changement de posture des enseignants consisterait donc à maîtriser les nouvelles pratiques hybrides en vue d’une meilleure transmission des savoirs », indique-t-il. Un constat que partage Yannig Raffenel, co-président d’EdTech France. « Malgré la mise en place de dispositifs digitaux de formation dans tous les domaines, la plupart des apprenants sont incapables de se les approprier sans la présence d’un formateur. Réunir les conditions pour une bonne formation suppose ainsi d’allier le meilleur de l’humain et du digital », explique-t-il.
Ne pas répliquer le présentiel à distance
L’enseignement à distance a imposé l’impératif de la continuité pédagogique. Une injonction qui a été « prise au pied de la lettre » par les établissements qui ne s’étaient pas encore inscrits dans une démarche de transformation numérique, relève Yannig Raffenel. Par la médiation d’outils techniques (caméras, ordinateurs…), les activités présentielles ont ainsi été répliquées à distance, « ce qui a été une catastrophe pédagogique pour les enseignants et les apprenants ». En effet, consommer des ressources sans interactions avec un enseignant « induit une perte totale de la qualité des enseignements présentiels ». En outre, le maintien d’un contact rapproché avec les élèves est nécessaire pour lutter contre le décrochage scolaire. Parmi les moyens permettant de le faire, et que le numérique favorise, on peut citer les feedbacks réguliers, la gamification, la multiplication des modalités d’évaluation…
Miser sur le social learning
« Transformer ses pratiques, c’est parvenir à faire usage des outils pour donner différentes places aux apprenants. C’est là que le champ des possibles offert par le digital peut présenter des potentialités », souligne le co-président d’EdTech France. Cette approche dite du « social learning » consiste à tirer profit des technologies pour créer les meilleures conditions d’échanges entre les participants, insuffler la collaboration, la multiplication des moyens d’expression, l’individualisation… par exemple via une plateforme LMS. « Tous ces éléments vont pouvoir embarquer plus de monde pour de meilleures expériences d’apprentissage car les apprenants avancent avec et par les autres », conclut-il.