Alors que les compétences évoluent de plus en plus rapidement, l’ingénierie pédagogique, qui consiste à imaginer les meilleures stratégies d’apprentissage, devient un sujet essentiel pour les entreprises. Mais entre l’internalisation des compétences et le recours à des prestataires externes, elles ont parfois du mal à faire le bon choix. Conseils d’experts.
Les acteurs de la formation semblent observer une tendance à la réinternalisation de la stratégie de production de contenus. La réduction des cycles de vie des formations et de durée de vie des compétences nécessite un renouvellement permanent des formations. C’est ce besoin d’agilité accru qui amène les entreprises à vouloir réinternaliser l’ingénierie pédagogique. « D’autre part, la disponibilité d’outils d’intelligence artificielle peut les rendre plus autonomes et leur permettre de produire rapidement des modules de digital learning », souligne Antoine Amiel, CEO de Learn Assembly. Toutefois, il s’agit davantage d’une volonté que d’une tendance concrète. En réalité, peu d’entreprises parviennent à réinternaliser leur ingénierie pédagogique. « Les consultants, ingénieurs pédagogiques, digital learning managers sont des ressources rares qui travaillent souvent en freelance pour des organismes de formation ou des start-up », ajoute-t-il. Résultat : en France, la part de modules produits en interne se situe, d’après Learn Assembly, entre 20 % et 50 %, alors qu’elle peut atteindre 80 % aux États-Unis, où les équipes L&D sont plus nombreuses et mieux formées.
Externaliser les compétences non maîtrisées en interne
Les offres d’accompagnement qui existent sur le marché des EdTech font de l’externalisation la solution la plus simple. « Il existe un principe de réalité qui fait que beaucoup d’entreprises aimeraient internaliser mais qu’elles trouvent, en parallèle, les solutions dont elles besoin sur un marché EdTech devenu compétitif », note Antoine Amiel. C’est d’autant plus vrai lorsque la production des ressources n’est pas maîtrisée en interne. « Si une entreprise ne maîtrise pas en interne la modalité du micro-learning ou l’usage de certaines nouvelles technologies comme la réalité virtuelle, il est plus pertinent pour elle de faire appel à une agence ou un prestataire expert pour éviter les dépenses inutiles ou risquer de mal déployer les outils », explique Sylvain Tillon, fondateur de l’école Le Bahut, qui forme aux métiers du numérique. L’externalisation n’est donc pertinente que dans un premier temps, lorsqu’il s’agit d’expérimenter des innovations. « En revanche, si l’entreprise observe par la suite une appétence des collaborateurs pour ces dispositifs ainsi qu’une pertinence pédagogique, elle devrait alors internaliser la compétence de conception et de production », ajoute-t-il.
Internaliser pour avoir une approche intégrée
À l’inverse, les entreprises qui préfèrent avoir une approche intégrée de la formation ont tout intérêt à internaliser l’ingénierie pédagogique pour avoir la main sur l’ensemble de la chaîne de valeur. « Nous aidons certaines entreprises à créer des digital learning factories ou des centres d’expertise pédagogique, notamment en formant leurs équipes en interne », illustre Antoine Amiel. L’enjeu, pour ces entreprises, est surtout de donner à leurs ingénieurs pédagogiques de la visibilité en interne pour qu’ils accompagnent au mieux les directions métiers dans la conception de parcours de formation. « Les entreprises ont besoin de talents qui savent à la fois écouter les besoins internes en matière de développement de compétences et concevoir des parcours. Si elles arrivent à trouver ces talents, alors elles ont tout intérêt à internaliser », estime-t-il.
Quel choix pour les PME ?
Comme pour les grands groupes, les PME doivent surtout faire appel à des compétences lorsqu’elles ne les maîtrisent pas en interne. Elles peuvent directement former leurs experts pour qu’ils apprennent à concevoir des modules, notamment si elles sont du secteur industriel et qu’elles souhaitent organiser des formations en situation de travail. « En parallèle, elles peuvent acheter des contenus sur étagère à des acteurs du marché qui proposent des modules digitaux, présentiels ou hybrides. L’enjeu, c’est qu’elles externalisent ce qui ne touche pas à leur cœur de métier car si une compétence est propre à l’entreprise, elle aura du mal à la trouver sur le marché. Concrètement, si elles souhaitent simplement former leurs commerciaux à la négociation par exemple, elles devraient éviter de réinventer la roue et faire appel aux nombreux experts qui existent sur le marché et dont les solutions sont éprouvées sur le plan pédagogique et technologique », conclut Antoine Amiel.