Si on associe souvent les émotions à une perte de rationalité nuisible à l’apprentissage, elles ont pourtant un grand rôle à jouer pour susciter l’implication des apprenants. Attention, mémorisation, motivation… Tous ces processus cognitifs sont influencés par les émotions. Les formateurs ont ainsi tout intérêt à les mobiliser pour ouvrir la voie à de meilleures expériences de formation.  

La joie, la peur, la colère… Les émotions ne restent pas aux portes de l’entreprise lorsque les salariés y entrent. Plutôt que de les reléguer au second plan, le monde de la formation professionnelle aurait tout à gagner à développer des synergies entre les émotions et la formation. Pour une raison simple : elles améliorent la qualité de l’apprentissage. « Les émotions, qui ont longtemps été considérées comme un danger, voire un parasite pour la rationalité et l’enseignement, sont très intéressantes à exploiter », affirme Stéphane Ginocchio, professeur permanent au Collège de Paris et spécialiste en neurosciences. Pour lui, il faut reconsidérer l’équation de Whitemore, qui suggère que la performance est égale au potentiel d’une personne auquel il faut soustraire « les interférences ». « Ce sont les émotions qui ont longtemps été considérées comme des interférences. Mais aujourd’hui, on sait qu’elles sont, au contraire, un potentiel pour la performance. »

Mettre les apprenants en sécurité émotionnelle

La neuro-pédagogie enseigne en effet que l’émotion joue un rôle central dans l’attention. « Si les apprenants ne reçoivent pas de stimulus nouveau toutes les dix minutes, leur attention décline. Car notre attention n’est là que pour notre survie. Et si on ne réveille pas cette attention, cela veut dire que la survie des personnes n’est pas en jeu. Résultat : elles décrochent », explique-t-il. Les émotions sont également impliquées dans la mise en sécurité psychologique des apprenants. Cette sécurité permet d’augmenter le « capital d’implication ». Car sans sécurité affective, les apprenants deviennent imperméables et n’entrent pas dans l’apprentissage. Dans ce cadre, les formateurs doivent adopter une posture d’écoute active et répondre avec bienveillance aux réticences ou aux objections. « Ils peuvent également mettre en place des rituels de confiance via des exercices corporels collectifs. En tant que formateur de managers, je demande souvent à mes apprenants de se laisser tomber légèrement en arrière les uns sur les autres, pour ressentir que l’on peut être porté », raconte Stéphane Ginocchio.

Adapter le niveau de difficulté

La motivation naît d’un juste niveau de challenge : les apprenants ne doivent ni s’ennuyer avec des exercices simples, ni se décourager face à des contenus trop complexes. Il s’agit ainsi d’identifier les niveaux et les profils des participants, d’adopter un enseignement différencié ou de donner plusieurs paliers de difficulté dans un même exercice. « Il faut observer les signes d’ennui ou de stress pour ajuster constamment les apprentissages. Les formateurs sont ainsi appelés à connaître leurs apprenants pour mieux comprendre leurs réactions émotionnelles », indique-t-il. L’autre raison pour laquelle il est important de connaître les profils des apprenants est qu’une même émotion peut s’exprimer par des comportements opposés. « Par exemple, un apprenant stressé peut devenir bavard, multiplier les questions lorsqu’il présente un profil empathique. À l’inverse, un profil rebelle réagira au stress par le silence. » Ici, le recours à des tests de profil peut s’avérer précieux pour adapter la posture pédagogique.

Susciter l’engagement par le « pourquoi »

Autre moyen de stimuler régulièrement l’attention : introduire des pauses cognitives toutes les deux heures. « Il ne s’agit pas d’aller discuter avec les collègues autour d’un café ! Mais de permettre au cerveau de récupérer à travers des exercices de respiration, des moments de silence… » Enfin, le sens donné aux actions leur donne davantage de puissance. Il est par exemple possible de commencer une séquence par une question de fond ou un enjeu concret, de proposer des objectifs personnels, voire de relier l’apprentissage à une mission. « Il ne faut pas hésiter à créer des expériences où les apprenants doivent se dépasser et à souligner leurs réussites », conclut-il.