L’école Simplon est une entreprise sociale et solidaire qui propose aux demandeurs d’emplois – notamment aux jeunes en décrochage scolaire – de se former gratuitement aux métiers du numérique. Durant la crise du Covid-19, elle a expérimenté l’enseignement hybride et asynchrone. Des modalités que Frédéric Bardeau, co-fondateur de l’école, ne souhaite pas retenir à l’avenir.

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?  

 En l’espace de quelques jours, nous avons dû basculer nos 2500 apprenants du 100 % présentiel au 100 % téléprésentiel dans 17 pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique. Cette transition a soulevé de nombreuses questions sur l’ingénierie pédagogique, la digitalisation des contenus mais aussi sur la littératie numérique. Entre les mois de mars et juin 2020, 10 à 15 % de nos apprenants se sont retrouvés en difficulté, surtout en France, soit parce qu’ils n’étaient pas équipés d’un ordinateur ou d’une connexion Internet, soit parce que leur famille ne disposait que d’un seul ordinateur qu’ils devaient partager. L’école leur a livré des ordinateurs, des cartes SIM et nous avons assuré de la médiation numérique afin qu’ils puissent continuer à apprendre un métier à distance.

Comment avez-vous accompagné vos enseignants ?

Nous disposons d’un studio animé par des ingénieurs pédagogiques, dont le rôle a été d’accompagner et de chouchouter nos professeurs. Nous avons bâti des communautés de pratiques entre la France et l’étranger afin qu’ils puissent échanger sur leurs méthodes de travail. Certains formateurs ont par exemple partagé leurs retours expériences sur le travail en sous-groupes sur Teams et Zoom, sur les règles d’émargement qu’ils ont trouvées… Heureusement, nous avions une plateforme « LMS » maison qui était bien adaptée à la situation et qui nous a permis de faire des évaluations de compétences en ligne. Nous n’avons pas eu besoin de nous outiller, mis à part de caméras et d’outils pour capter le son. Quoiqu’il en soit, la distance induite par la crise a été épuisante pour nos enseignants, qui ont peiné à trouver une frontière entre leur vie personnelle et professionnelle.

Quelles leçons tirez-vous de cette période ?

Ce basculement en téléprésentiel fut, pour nous, une grande nouveauté. Cette crise nous a permis de comprendre que le problème n’était pas le présentiel versus le distanciel mais le synchrone versus l’asynchrone. Le mode asynchrone n’est pas adapté au public fragile, déjà très éloigné du numérique, que nous accompagnons. C’est d’autant plus complexe pour nous que notre pédagogie est entièrement basée sur le travail en groupes, autour de projets. Nous ne retiendrons pas non plus la modalité hybride, vers laquelle se tournent beaucoup d’écoles. Nous nous sommes aperçus qu’il existait un trop grand décalage entre les apprenants qui étaient physiquement présents et ceux qui étaient à distance, en matière de participation, d’écoute… Cette modalité génère trop de frustration pour nos élèves comme nos formateurs, qui ont du mal à jouer sur les deux tableaux.

Lancez-vous de nouveaux formats pédagogiques à la rentrée ?

Oui, nous proposons, en cette rentrée, une nouveauté : des « tracks » 100 % à distance. Ce sont des cursus courts de quelques semaines sur différentes thématiques comme la cybersécurité par exemple. Ils vont nous permettre d’être encore plus inclusifs, c’est-à-dire de toucher un public plus large, notamment ceux qui ne sont pas proches d’une de nos 90 écoles en France. La pédagogie de ces formations sera la même que pour les autres : uniquement en synchrone. Nous ne rejetons pas le mode asynchrone pour autant. La crise sanitaire nous a fait comprendre qu’il existait un public suffisamment autonome pour se former de manière asynchrone. Nous réfléchissons à bâtir des cursus qui se dérouleraient entre 20 et 30 % du temps de cette manière.