Créatrice de formations digitales, la société My-Serious-game entreprend depuis quelques années d’apporter son expertise aux acteurs de l’enseignement. Dans le monde de l’éducation, elle porte trois grands projets destinés à révolutionner les usages en matière d’apprentissage. Les explications de Frédéric Kuntzmann, co-fondateur.
Comment avez-vous créé My-serious-game ?
C’est en 2014 que l’aventure a commencé, lorsque nous avons constaté un ras-le-bol généralisé dans le monde de la formation en ligne. Contrairement à la formation présentielle, celle-ci ne fonctionnait pas, ne créait pas de dynamiques, ne parvenait pas à engager les publics, ne suscitait pas d’interactions avec eux et ne faisait pas preuve d’adaptation aux niveaux des populations des apprenants, qui sont demandeuses de collaboration. Nous avons donc eu l’idée de réunir des experts en communication, en ingénierie de formation et en nouvelles technologies pour repenser les modèles et concevoir de nouveaux systèmes à la fois sur-mesure et basés sur la gamification. Nous nous adressons à des DRH de grands groupes, aux responsables formation, aux ETI et à certains établissements d’enseignement pour offrir des services de conseil ainsi que des programmes de formation digitale sur mesure.
Comment travaillez-vous avec le monde de l’enseignement ?
Nous faisons partie de groupes de travail qui organisent des activités sur des thématiques comme la pédagogie par le jeu, par exemple dans le cadre d’un rapport commandé par le ministre de l’Éducation et de la Recherche et porté notamment par l’entreprise de jeux vidéo Ubisoft. Il s’agit de mobiliser les expertises pour repenser les modèles pédagogiques. Nous travaillons également sur des projets de business games avec des leaders français de l’enseignement à distance et des écoles privées de commerce. Nous portons trois autres chantiers dans le monde de l’éducation : un projet étalé sur 5 ans et porté par un consortium d’acteurs, avec Aix-Marseille Université, visant à repenser le modèle éducatif de l’enseignement supérieur ; et deux appels à projet visant à accompagner les universités dans la digitalisation d’une partie de leurs cours et de leurs formations et à construire des outils qui leur permettent de facilement créer des cours à distance.
Vous vous appuyez sur les neurosciences pour concevoir vos offres sur mesure. En quoi sont-elles utiles ?
Au sein de nos stratégies de formations, nous utilisons les données des neurosciences reposant sur des études précieuses qui permettent de mieux comprendre les processus d’apprentissage, d’aider à transformer les comportements et de développer de nouvelles compétences en matière de savoir-faire et de savoir-être. Nos équipes (composées de doctorants, psychologues, concepteurs pédagogiques…) récupèrent des données sur des sujets comme l’impact des émotions dans l’apprentissage et la mémorisation et les mobilisent dans les scénarisations pédagogiques. Cela nous donne la possibilité de procéder à des adaptations intéressantes. Par exemple, dans le domaine de la santé, nous jouons surtout sur le sentiment d’utilité et l’esprit collaboratif. À l’inverse, en matière de force de vente, nous travaillons davantage sur l’esprit de challenge. Ces variables constituent des leviers motivationnels qui s’intègrent dans la gamification, les systèmes de récompense…
Quel regard portez-vous sur la digitalisation de l’enseignement en France ?
Le marché de l’éducation est moins réactif que celui des entreprises et représentera donc toujours une petite part de notre activité. Il existe un décalage entre les compétences recherchées par les entreprises et le profil des étudiants. Ce fossé est à combler : le monde de l’éducation, où les vieilles habitudes sont très ancrées, doit donc évoluer. Il commence à le faire puisque depuis trois ou quatre ans, je vois de plus en plus de professeurs faire preuve de curiosité à propos des nouvelles méthodes d’apprentissage. Ils se réunissent, créent des associations, se regroupent dans des « cafés pédagogiques »… Ils expriment donc un vrai souhait de moderniser les outils et de s’adapter à des élèves devenus hyper-connectés. La crise du Covid-19 a bousculé leurs habitudes : elle les a rendu plus matures dans le digital.