Comme plusieurs grands établissements, l’Université de Strasbourg (Unistra) met en place, dans le cadre du second Plan national pour la science ouverte, des actions concrètes de formation des enseignants à l’ouverture de la science. Les éclairages de Rémi Barillon, vice-président Recherche, formation doctorale et sciences ouvertes et d’Adeline Regé, responsable du pôle Appui à la diffusion de la recherche au Service des bibliothèques.
À l’Unistra, quelles sont les disciplines les plus impliquées dans l’ouverture de la science ?
Adeline Regé : La science ouverte est un grand mouvement qui touche désormais toutes les disciplines. Toutefois, certaines s’étaient effectivement déjà lancées dans ce processus, à l’instar de l’astrophysique. Celle-ci concerne des chercheurs qui, en collaboration avec l’Observatoire astronomique, mettent en ligne leurs données depuis 40 ans. L’École et observatoire des sciences de la Terre (EOST) s’implique également dans de grands projets via la création de plateformes en ligne de gestion de données.
De quelles données s’agit-il ?
Adeline Regé : Au sein du service des bibliothèques, nous travaillons beaucoup avec les sciences humaines, comme l’archéologie. Il s’agit ici de données numérisées, de corpus d’images, de textes et d’objets numérisés en 3D. Les chercheurs créent des bases de données en ligne avec, par exemple, des modèles de chapiteaux, des statuettes antiques photographiées… En bref, les données concernent tout élément factuel pouvant valider un résultat de recherche. Lorsqu’il s’agit de travaux de recherche en sciences sociales intégrant, par exemple, des données personnelles, le principe à appliquer est celui qui s’impose au niveau international : « aussi ouvert que possible, aussi fermé que nécessaire ». Ainsi, lorsque des restrictions doivent s’appliquer, l’ouverture de ce type de données ne peut avoir lieu que lorsqu’une anonymisation totale est assurée. Le rôle des délégués à la protection des données de l’Unistra et des chercheurs est justement de définir le type de données à protéger.
Comment l’Unistra s’engage dans le processus d’ouverture des données ?
Rémi Barillon : L’Unistra est impliquée dans le 2e Plan national mis en place par le MESRI. Nous allons, par exemple, contribuer à la mise en place de « Recherche Data Gouv », l’entrepôt national des données de la recherche qui sera lancé en juillet et dont le but est de mettre en place un guichet unique autour de la donnée. Par ailleurs, nous disposons déjà de notre propre entrepôt local. Nous lançons également un atelier de la donnée labellisé par le MESRI en vue de mettre des compétences au service des personnes qui souhaitent apprendre à créer des fichiers de données. À terme, tous les enseignants et étudiants seront formés aux pratiques liées à l’ouverture de la science et à la culture de la réutilisation de données exploitables par d’autres chercheurs. L’enjeu est d’autant plus important que les bailleurs, l‘Europe, l’ANR et tous les organismes publics qui financent la recherche rendront l’ouverture des données FAIR obligatoire. Au-delà de ces aspects, l’ouverture de la science est une révolution car un vrai partage des données rend la recherche plus efficace.
Quelle est la prochaine étape ?
Adeline Regé : La question de l’ouverture des données est récemment entrée dans les cursus de formation des informaticiens et des personnels de documentation. Il faudra donc du temps pour que les équipes d’appui se structurent et puissent accompagner les chercheurs. Le Centre de données astronomiques de Strasbourg est un modèle à suivre car il repose sur un triptyque composé de chercheurs, de documentalistes et d’informaticiens. Le but de notre atelier de la donnée est de structurer l’offre d’accompagnement sur le territoire et de faire monter en compétences les équipes d’appui. Par ailleurs, nous avons mis en place un baromètre de la science ouverte : aujourd’hui, plus de 60 % des publications scientifiques de l’Unistra sont disponibles en open access, soit par le biais de notre archive ouverte, soit sur le portail HAL. Le rôle des personnels est maintenant d’aller plus loin dans ce processus. Notre ambition est de bien connaître les méthodes de recherche et les outils mobilisés par les chercheurs, de savoir s’il existe un entrepôt reconnu par leur discipline…, afin de les orienter vers des infrastructures de recherche adaptées à leur discipline.