Une nouvelle plateforme entre enseignants vient de voir le jour. Sur GPS Educ’, différents acteurs éducatifs peuvent proposer des analyses de situation et des témoignages en vue de construire de nouveaux savoirs. Les explications des maîtres de conférence Jean-François Nordmann et Paul Lehner, co-pilotes de la plateforme, lancée en février dernier.
Dans quel contexte la plateforme GPS Educ’ a-t-elle été créée ?
Jean-François Nordmann : Le projet est soutenu par l’INSPÉ de l’académie de Lille – Hauts-de-France et l’INSPÉ de l’académie de Versailles. Il provient d’un module de formation qui a vu le jour en 2015 et qui était destiné aux futurs enseignants. En tant que petite équipe de formateurs et d’enseignants du site d’Antony de l’académie de Versailles, nous travaillions avec des étudiants en M1 et des stagiaires en M2, des professeurs de lycée de la voie professionnelle ou technologique… En concertation avec des collègues du premier et du second degré, nous avons souhaité « prendre au sérieux » les besoins des étudiants en vue de les préparer au concours à partir du terrain. Notre objectif était de rompre avec les supports de préparation qui existaient car, malgré leur pertinence, ils proposent des traitements superficiels de situations pourtant complexes. Concrètement, nous avons commencé à assurer des TD en vue d’amener les enseignants débutants ou expérimentés à discuter entre eux, en petits groupes, de situations pertinentes à analyser et pouvant intéresser un grand nombre de pairs. Ces situations peuvent concerner, par exemple, la prise en charge d’élèves en difficulté.
Comment cette « auto-formation » s’articule-t-elle pour les enseignants ?
Paul Lehner : L’enjeu de cette formation, c’est de mettre ces acteurs en travail d’analyse de situation grâce au « protocole GPS ». Celui-ci est composé de différentes étapes dont le récit de la situation, l’identification des enjeux qu’elle pose, une enquête consacrée à ce que pourraient en dire les collègues, l’état de la recherche en vue d’éclairer la situation, l’identification de possibles perspectives d’action ou encore la prise de partie, qui suppose que l’enseignant se resitue dans le cadre de sa classe en fonction de ce qui est faisable pour lui. Durant ce processus, le formateur se tient en retrait afin que les stagiaires arrivent par eux-mêmes à produire des analyses approfondies. Au moment du rendu d’une première version du travail, il propose ensuite des approfondissements.
En quoi la plateforme se différencie-t-elle des autres dispositifs de formation ?
Paul Lehner : La plateforme est complémentaire à la formation initiale proposée par les INSPÉ : elle permet aux jeunes enseignants de développer leur posture de praticiens au cœur d’une large communauté éducative. Notre objectif est de renoncer à la transmission descendante des savoirs afin de mettre l’accent sur les préoccupations réelles et l’auto-confrontation. Le numérique rend le projet encore plus intéressant puisqu’il facilite la publication d’analyses de situation : en mettant ses réflexions à disposition, le stagiaire passe ainsi de la position d’étudiant à celui de formateur de pairs. D’autre part, le numérique est intéressant sur la question de l’actualisation des connaissances et de la professionnalisation car nous donnons des supports à des enseignants souvent seuls, qui n’ont pas d’espace pour travailler collectivement dans leur établissement.
Jean-François Nordmann : À travers ce « manuel de préparation » au concours exclusivement composé des analyses de situation choisies et menées par les étudiants stagiaires, GPS Educ’ s’oppose aux épreuves de recrutement classiques qui consistent à tester le candidat sur la base de situations professionnelles « fabriquées », donc artificielles. Par ailleurs, nos publications seront ouvertes aux analyses complémentaires d’autres acteurs puisque les personnes inscrites sur la plateforme peuvent témoigner et adresser des critiques. D’ailleurs, l’inscription sur la plateforme n’est subordonnée à aucune condition d’appartenance à une institution éducative. Les élèves ainsi que leurs parents peuvent ainsi s’inscrire. Si un usager souhaite faire part d’une analyse complémentaire, il peut la proposer au comité éditorial. Nous lui proposons ensuite de le mettre en relation avec d’autres usagers s’il souhaite réaliser des analyses complémentaires au sein d’un groupe de travail constitué.
Quels sont vos prochains projets ?
Paul Lehner : Nous comptons 1400 pages vues sur ces 30 derniers jours. Les fiches les plus consultées concernent les élèves qui ont des difficultés de lecture, les bagarres en classe… Nous souhaitons maintenant axer les contenus sur différentes thématiques du concours comme les valeurs de la République ou l’éthique professionnelle.
Jean-François Nordmann : Nous nous sommes rapprochés de Réseau Canopé puisque nous souhaitons développer des synergies entre tous les acteurs qui peuvent contribuer à la formation des enseignants. De façon générale, nous souhaitons que les sites de ressources de formation puissent cataloguer GPS Educ’. Par ailleurs, ce qui nous semblerait original serait de développer davantage la coopération avec les autres acteurs, notamment les personnels de direction sur des thèmes comme la coopération avec les parents. Nous voudrions, enfin, agrémenter les fiches d’analyse de podcasts et de vidéos.