S’il est une forme de peer-to-peer learning, le mentorat s’en différencie par le fait qu’il ne concerne pas l’exercice technique d’un métier. Plus axé sur le savoir-être, les codes implicites et la culture d’entreprise, il permet une meilleure circulation des idées au sein des organisations, selon Catherine Thibaux, formatrice et membre de la commission Mentorat d’EMCC France.
Comment définissez-vous le mentorat ?
Contrairement à d’autres approches de formation comme le peer-to-peer learning, le mentorat ne se pratique pas entre deux personnes exerçant le même métier. Il ne s’agit pas non plus de tutorat, qui vise la transmission de compétences dans le cadre de l’exercice d’un métier spécifique entre un tuteur expérimenté et un jeune apprenti avec lequel il entretient un lien hiérarchique. Le mentorat est un accompagnement entre deux personnes qui, idéalement, n’ont pas de lien hiérarchique entre elles et qui n’exercent pas la même fonction. Au sein d’une entreprise qui pratique le mentorat, le mentor accepte, pendant une durée pouvant aller de 6 mois à un, d’accompagner un mentoré qui a, au préalable, exprimé un besoin d’aide. Les conversations entre les deux personnes sont confidentielles et basées sur l’écoute bienveillante et le partage d’expérience. Elles concernent souvent des vécus personnels, les challenges de l’entreprise, sa culture, son organisation interne…
Le mentorat peut-il également lier deux personnes qui n’appartiennent pas à la même entreprise ?
Il peut tout à fait se pratiquer dans des chambres de commerce ou de métiers, des associations interprofessionnelles… Il s’exerce également dans le milieu associatif avec une visée sociétale et un objectif d’inclusion. C’est par exemple le cas du programme « 1 jeune, 1 mentor ». Dans ce cadre, des entreprises volontaires s’engagent auprès d’associations pour proposer des mentors à des jeunes inscrits en lycée professionnel ou dans une mission locale et qui peinent à s’insérer dans le milieu professionnel. Mais que l’on se situe à l’échelle d’une entreprise ou d’une association, l’approche est la même : l’accompagnement est désintéressé et doit avoir une structure précise, même s’il s’agit d’une pratique informelle. Le mentorat est ainsi défini dans le cadre de programmes d’associations ou d’entreprises et doit donc faire intervenir un responsable. Il suppose aussi que les mentors et les mentorés soient formés à la démarche et qu’un bilan soit établi à la fin du processus afin que le mentorat s’inscrive dans un cercle d’amélioration continue des compétences.
Séduit-il les entreprises françaises ?
Nous ne disposons pas d’études quantitatives sur la pratique du mentorat dans les entreprises mais nous savons que la grande majorité des groupes du CAC 40 disposent d’un programme de mentorat, voire de plusieurs. C’est par exemple le cas du groupe Orange, qui a mis en place des programmes de mentorat pour les juniors qui viennent d’être recrutés, pour les nouveaux managers… Il faut également savoir que le mentorat, à lui seul, ne fait pas de miracles. C’est la raison pour laquelle Orange a mis en place, pour les femmes, des programmes de mentorat adossés à des plans d’égalité hommes-femmes qui comprennent également du tutorat, du peer-to-peer learning, du coaching visant à développer l’assertivité des femmes mais également des actions de formation sur la mixité, destinées aux managers ou aux chefs de service.
Qu’en est-il des PME ?
Le processus de mise en place du mentorat est plus compliqué pour elles. En effet, trouver des mentors qui n’ont pas de lien hiérarchique ou professionnel avec les mentorés n’est pas simple pour une petite entreprise. Néanmoins, j’ai accompagné de grandes entreprises qui ont participé à des programmes de mentorat croisé. Je pense qu’il est possible d’imaginer des dispositifs semblables entre PME, qui pourraient ainsi croiser leurs mentors et leurs mentorés. Cette démarche nécessite toutefois de trouver des personnes ressources, donc d’obtenir le soutien de chambres de commerce ou de collectivités. D’autres formes de mentorat peuvent être applicables aux PME, comme des programmes d’accompagnement entre deux binômes à responsabilité hiérarchique identique qui peuvent être réciproquement mentor et mentoré. Dans ce cadre, le mentorat s’inscrirait en complément de la formation classique, plus axée sur la théorie.
Quels bénéfices pourraient-elles en retirer ?
Le mentorat aide les collaborateurs à comprendre les codes de fonctionnement implicites de leur entreprise, à gagner du temps dans leur insertion, à se sentir soutenus à des moments charnières (recrutement, promotion…). Il permet aussi d’accélérer la prise de décision et d’élargir les réseaux. L’autre atout du mentorat est qu’il améliore la circulation de l’information et des idées au sein des organisations. Ces dernières ont tout à gagner à l’adopter, en particulier à l’heure où le télétravail s’est quasiment généralisé, pour recréer du lien entre les collaborateurs. Le mentorat permet, enfin, de décloisonner les services et les métiers et de fidéliser les collaborateurs en raison de la culture d’inclusion et d’entraide qu’il suscite.