Lorsqu’on considère la question du bien-être à l’école, les concepts de forme scolaire et d’aménagement des espaces d’apprentissage, qui contribuent fortement à la socialisation des élèves, transparaît nécessairement. Faut-il aujourd’hui, au regard de l’évolution des besoins des élèves, les requestionner ? Réponses d’experts.

Des espaces d’apprentissage découlent des postures permettant de favoriser, ou non, le bien-être à l’école. Alors que les besoins des élèves évoluent et que la notion de bien-être à l’école est de plus en plus importante, quelle place pour l’aménagement des espaces d’apprentissage dans la réflexion sur l’école ?

Penser les espaces scolaires comme des lieux de vie

« Faire classe aujourd’hui, c’est accueillir l’élève pour qu’il reçoive des apprentissages mais aussi pour qu’il vive et socialise. Les établissements doivent donc permettre à la fois d’apprendre et de vivre dans des espaces qui répondent à des besoins différenciés », a expliqué Christophe Caron, DNE chef de projet Archiclasse, à l’occasion d’une table ronde co-organisée par Réseau Canopé et la DNE dans le cadre de l’Université d’été Ludovia. En conséquence, des changements de paradigme, chez les élèves comme chez les enseignants, sont essentiels pour reconsidérer les espaces d’apprentissage et favoriser l’émergence de postures plus collaboratives. En effet, la forme scolaire française, telle qu’elle a été mise en place dans un cadre institutionnel, est « un projet d’enseignement, non un projet d’apprentissage », estime ainsi Caroline Aiello Brottet, chargée de projet DRANE, cellule académique BEA (Bâti et espaces d’apprentissage) de l’académie de Lyon et professeure de SVT en collège. Ainsi, « lorsqu’on reconsidère les temps et les espaces scolaires, on se rend compte qu’on doit réinterroger les rapports de l’enseignant et de l’élève aux espaces de travail. Cela amène à changer en profondeur les gestes professionnels, les pratiques des enseignants et les apprentissages des élèves ».

Favoriser l’autonomie des élèves

Parmi les évolutions qui peuvent être pensées figure l’adoption de cadres moins normatifs, qui est un levier pour favoriser des pédagogies plus actives et le développement de compétences comme l’autonomie. « Les élèves sont parfois perçus comme non autonomes par leurs professeurs alors même que ces derniers ne mettent pas en place des espaces ou des pratiques à même de développer l’autonomie. Il serait donc intéressant que les enseignants re-questionnent leurs pratiques et les espaces dans lesquels ils travaillent avec leurs élèves », indique-t-elle. Un changement de paradigme qui nécessite néanmoins un temps important d’adaptation pour l’ensemble des acteurs : « Ce qui est important dans les projets que nous mettons en place au sein de la cellule BEA, surtout lorsque l’on souhaite transférer des pratiques qui se développent dans d’autres pays comme le Danemark, c’est de penser au temps d’appropriation des nouveaux espaces, qui est incompressible ».

Accompagner les enseignants dans ce changement de paradigme

Dans des espaces plus ouverts et plus collaboratifs, les élèves avancent dans leur apprentissage à un rythme qui leur est mieux adapté. « Ils construisent ainsi des stratégies d’apprentissage différentes. De son côté, l’enseignant va s’efforcer de les accompagner dans ce nouveau process d’apprentissage, de l’étayer ou de l’enrichir », ajoute Caroline Aiello Brottet. Par ailleurs, en évoluant dans des formes scolaires plus libres, les élèves s’extraient du jugement des autres, se mettant ainsi à « apprendre avec le regard des autres et non sous le regard des autres ». Or, le changement de posture que cette démarche nécessite implique un certain « lâcher prise » de la part de l’enseignant. Problème : « Cela reste un frein puisque cette « redistribution » du savoir est fragilisante. Ici, le travail d’accompagnement est très important. Dans le cadre des travaux que menons au sein de notre cellule académique, nous organisons des visites d’inspiration, nous réalisons des expérimentations et nous proposons aux enseignants des workshops qui les invitent, par exemple, à penser à leur niveau de tolérance au bruit de travail dans la classe, à s’imaginer travailler dans des salles de classe vitrées, donc transparentes… Cela leur permet de se mettre en réflexion », assure-t-elle.