Susciter une prise de distance avec les téléphones portables en milieu scolaire. C’est l’ambition de Pause numérique, un projet mis en place par le gouvernement depuis la rentrée 2024 auprès de 50 000 élèves de collège. Le but ? Minimiser les usages du smartphone face à l’envolée des comportements à risque constatée chez les jeunes.
Mis en place depuis novembre 2024, le projet Pause numérique a pour but d’éloigner les élèves de leur smartphone pendant les temps scolaires. Parmi les prestataires accompagnant cette initiative figure Tiriad Éditions, qui équipe les élèves de pochettes destinées à y ranger leur téléphone pendant leur présence au collège. L’implication de la société dans ce projet s’inscrit dans la continuité de la remise d’un rapport sur l’exposition des jeunes aux écrans au président de la République en 2024. « Les pouvoirs publics ont voulu imaginer une approche innovante qui aille au-delà de la seule interdiction. La ministre Nicole Belloubet a ainsi souhaité, en 2024, accompagner les élèves dans la mise à distance du smartphone durant le temps scolaire », explique Romuald Guégan, directeur de Tiriad Éditions et ancien président de l’AFINEF.
Un accompagnement pour les enseignants
Les pochettes fournies par Tiriad visent à matérialiser la mise à distance des sollicitations numériques afin que les élèves se rendent disponibles pour les apprentissages. Mais la Pause numérique, c’est surtout un accompagnement de l’établissement pour agir face aux usages excessifs du smartphone. L’objectif est aussi de rassurer les parents, en leur faisant comprendre qu’ils ont la possibilité de déléguer à l’établissement scolaire la réponse à apporter sur la question des dangers de l’exposition aux écrans. « Dans les foyers, le dialogue avec l’enfant peut être difficile à initier. Et les parents ne connaissent pas toujours les stratégies addictives, voire prédatrices, mises en place par certaines plateformes. » La proposition de Tiriad Éditions consiste ainsi à éclairer les équipes des services de vie scolaire, les assistants d’éducation et les enseignants. « Ce sont eux qui interviennent directement auprès des jeunes dans le cadre d’activités socio-éducatives. Puisque les enseignants sont également demandeurs d’interventions extérieures, des conférences et des soirées-débats peuvent être organisées en présence d’enseignants-chercheurs, des élèves et de leurs parents », précise-t-il.
Consacrer le numérique à la pédagogie
Ce projet ne décourage pas les usages du numérique à des fins pédagogiques. Il s’agit simplement d’expliquer que les usages scolaires du numérique doivent s’appuyer sur des séquences pensées dans un contexte pédagogique. « C’est à l’enseignant d’en identifier la pertinence en fonction de sa stratégie pédagogique, de la manière dont il souhaite mettre en œuvre la validation des acquis, la découverte de concepts de manière plus concrète, etc. », souligne Romuald Guégan. Résultat : les élèves ont la possibilité de sortir leurs téléphones de la pochette pour les utiliser en classe lorsque l’enseignant le juge nécessaire. Malgré tout, certains parents n’adhèrent pas au dispositif, en avançant l’argument qu’ils doivent pouvoir joindre leur enfant à tout moment. « La réponse systématique qui est rappelée par les établissements, c’est que les services de vie scolaire peuvent être contactés à tout instant. Cela permet aux parents de se questionner sur la nécessité de contacter leur enfant et contribue à retisser un lien de confiance entre les parents et les équipes éducatives. »
Un déploiement dans tous les collèges à la rentrée 2026 ?
« Bien que la possession d’un smartphone représente, pour les adolescents, un passage désiré à la vie d’adulte, ces derniers ont conscience que les temps de scrolling nuisent à leur bien-être. Ils perçoivent également les dangers des phénomènes de harcèlement induits par la captation et la diffusion de vidéos », indique-t-il. En vue de débattre de ces sujets avec les jeunes, les professionnels de l’éducation doivent expliquer les phénomènes cognitifs en jeu plutôt que d’adopter une posture de jugement. « Cette approche a permis une prise de distance par rapport à des comportements à risque en vue de les modifier par la suite. » Par ailleurs, certains établissements ont rapporté avoir remis à disposition des jeux de société et organisé des ateliers pour « remplir le vide » laissé par l’absence des écrans. « C’est dans ces établissements que nous constatons un fort taux d’adhésion au dispositif. Un autre chef d’établissement m’a indiqué que les assistants d’éducation, qui passent désormais moins de temps à confisquer les téléphones, retrouvent une véritable disponibilité pour retisser des liens avec les élèves. » De premiers retours d’expérience convaincants alors que la ministre Élisabeth Borne a rappelé son souhait de généraliser le projet à la prochaine rentrée.