Dans le monde de la formation, une notion voit le jour avec la multiplication des contenus de formation : la learning fatigue. Cette lassitude est notamment due à une surcharge cognitive qu’il devient essentiel pour les entreprises de combattre, selon Carole Vendé, VP People chez Edflex.
La « learning fatigue » est un nouveau concept. Mais désigne-t-elle une réalité plus ancienne ?
Il s’agit en effet d’une notion dont on parle depuis quelque temps dans les fonctions RH, la formation et, de façon générale, l’environnement du learning. Au fond, le sujet n’est donc pas si nouveau puisqu’il existait sous d’autres notions qui revenaient souvent dans nos échanges avec nos clients, comme l’assiduité ou l’engagement des apprenants. Mais il a tout de même gagné en ampleur depuis l’apparition du numérique, des réseaux sociaux… La learning fatigue est la lassitude cognitive et émotionnelle, l’épuisement mental généralement dû à une surcharge d’informations ou à une exposition à des informations répétitives. Ce qui est nouveau également, c’est l’impératif de la montée en compétences. L’enjeu est de réussir à opérer cette dernière, tout en évitant que les apprenants ne se retrouvent dans une situation de surconsommation de contenus de formation.
Comment les entreprises peuvent-elles y faire face ?
La learning fatigue nécessite d’être accompagnée. Mais avant tout d’être comprise. Si les entreprises ne peuvent pas avoir la main sur les facteurs externes qui induisent cette fatigue – sollicitations et interruptions fréquentes dues aux réseaux sociaux, baisse de la concentration, diminution de la capacité d’analyse avec l’arrivée des IA génératives… – elles peuvent, en revanche, agir sur les facteurs internes. Ces derniers concernent les volumes des contenus de formation, leur pertinence, leur niveau d’interactivité, le suivi managérial des acquis… Par ailleurs, pour avoir travaillé dans des organisations très différentes, j’ai pu constater presque à chaque fois des taux de complétion problématiques, y compris sur des formations obligatoires. Pour changer la donne, il faut redonner le goût d’apprendre, construire des formats variés de formation, donner du temps à la formation de qualité.
Quelles erreurs faut-il éviter ?
On mesure beaucoup trop le nombre d’heures de formation sans toujours mesurer l’évolution des compétences. Les entreprises peuvent éviter à leurs salariés de tomber dans la lassitude en développant une véritable personnalisation de la formation afin que celle-ci soit une réponse à des besoins identifiés. Elles doivent également s’interroger sur la qualité des contenus. Par ailleurs, la question de l’accompagnement est centrale. Il s’agit de savoir comment il est possible de manager les collaborateurs et de les challenger sur ce qu’ils ont vu, compris, partagé. Une autre erreur à éviter est d’imposer des formations sans en expliquer les finalités. Ici, il faut miser sur la communication et l’explicitation des objectifs de la formation, afin que les salariés comprennent comment cette dernière va pouvoir s’inscrire dans leur développement individuel.
Comment sensibiliser les entreprises à ces enjeux ?
Le principal enjeu est de sensibiliser les entreprises sur la question de l’obsolescence des compétences, qui est de plus en rapide, et qui impacte la performance collective. Par ailleurs, développer des organisations apprenantes est un sujet très important. Les directions comme les collaborateurs doivent être convaincus que l’apprentissage est un axe stratégique, au même titre que la sécurité par exemple. Une fois cet axe stratégique intégré dans l’entreprise, il faut s’interroger sur les actions concrètes à mener pour le matérialiser, notamment en consacrant du temps à la formation en vue de la ritualiser. Par exemple, chez Edflex, nous avons mis en place le Friday Learning : tous les vendredis, un créneau de 30 minutes est bloqué dans tous les agendas. C’est de cette manière qu’on instaure une culture de veille, de partage de connaissances… C’est ensuite à l’entreprise d’identifier les mécanismes – comme la gamification – les plus susceptibles de développer cette culture de l’apprentissage.