« J’enseigne avec l’IA ! » : Mickaël Bertrand partage ses cas d’usage

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Professeur d’histoire-géographie au lycée international Charles de Gaulle de Dijon, formateur et auteur de manuels scolaires, Mickaël Bertrand a publié, en janvier 2025, « J’enseigne avec l’IA ! » (Vuibert), un guide à destination des enseignants. S’il relève des dangers liés à ces outils complexes, l’enseignant souligne également leurs apports, notamment dans la différenciation pédagogique.

Pourquoi publiez-vous un guide dédié à l’intelligence artificielle ?

Qu’on le veuille ou non, nos élèves utilisent l’IA pour faire des travaux à la maison et parfois la mobilisent en classe. En tant qu’éducateurs, nous devons à la fois nous positionner par rapport à ce fait, nous informer, repenser nos modalités d’évaluation et accompagner nos élèves dans l’appropriation des outils qui s’appuient sur l’IA. C’est d’autant plus important qu’ils présentent plusieurs dangers qui, parfois, dépassent largement le contexte éducatif. Citons notamment leur impact sur l’environnement ou les dangers d’ordre géopolitique suite à la diffusion de chatbots performants comme DeepSeek, un outil qui s’auto-censure. De façon générale, qu’elles soient chinoises ou américaines, les IA génératives sont problématiques de par leurs biais culturels. Les élèves doivent en être conscients.

Quels biais culturels peuvent apparaître dans un contexte éducatif ?

Nous ne devons pas reproduire les erreurs que nous avons faites avec Wikipédia, c’est-à-dire interdire les nouveaux outils sans sensibiliser à leurs limites. J’explique à mes élèves les biais des outils en situation réelle pour cultiver leur esprit critique. Par exemple, lorsqu’on pose des questions en lien avec l’histoire ou la géopolitique, les réponses sont essentiellement tournées vers des concepts anglo-saxons. C’est le cas lorsqu’on interroge ces outils sur des concepts comme la démocratie, qui n’est pas la même selon que l’on est dans un contexte français ou américain. L’IA générative n’est pas consciente de ces nuances, et peut finir par influencer le positionnement des élèves. Les bases qui alimentent les IA comptent des millions de données, essentiellement de l’information en anglais qui a été aspirée sur le web et qui est révélatrice de l’état de notre réseau Internet.

Dans votre guide, quels conseils donnez-vous aux enseignants pour intégrer l’IA ?

Quand un professeur prépare un cours, il essaie de repérer les connaissances essentielles permettant à chacun de progresser. L’IA générative est justement très performante pour aider à sélectionner les informations dont un élève a besoin pour suivre le cours. Je donne également des exemples d’usage en matière de différenciation pédagogique. Il est notamment possible de demander à une IA générative d’adapter une fiche d’activité pour répondre aux besoins particuliers des élèves, par exemple dyslexiques. Il faut toutefois souligner que ce guide n’est pas une collection de prompts à réutiliser. Il sert plutôt à rappeler aux enseignants qu’ils ne doivent pas abandonner leur expertise professionnelle. Certes, ils doivent savoir rédiger de bons prompts, savoir les faire évoluer au fur et à mesure, mais ils doivent aussi garder en tête que l’IA n’est qu’un assistant. Tout document produit doit être revu avec l’œil expert de l’enseignant.

Quels usages préconisez-vous avec les élèves ?

Il est intéressant de mobiliser les IA en tant que tuteur d’apprentissage. L’un des facteurs principaux des inégalités socio-scolaires en France est lié à la capacité des familles à accompagner leurs enfants. Les IA génératives se révèlent utiles pour accompagner les élèves les plus désavantagés. Ces élèves, en donnant des extraits de cours à des IA génératives, peuvent se voir poser des questions par ces tuteurs en vue de réviser. En mobilisant des concepts comme la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus (qui encourage la répétition espacée dans le temps pour ancrer les apprentissages), il est possible de créer de bons tuteurs bienveillants. Les élèves prennent mieux conscience de ce qu’ils maîtrisent puisqu’ils sont fréquemment interrogés.

Quels usages faites-vous de l’IA en classe ?

À la fin de chacun de mes cours, je pose une question à une IA générative en lien avec le sujet abordé. Je demande ensuite à mes élèves de faire preuve d’esprit critique et de confronter la réponse de l’IA avec le cours d’une heure qu’ils viennent de suivre. Cette démarche permet à la fois aux lycéens de se rendre compte des biais de l’IA, de voir si des éléments évoqués par l’IA n’ont pas été soulevés en cours ou, à l’inverse, si l’IA a omis des points importants. Le deuxième exemple est un usage autonome : je demande aux élèves volontaires de mobiliser l’IA pour réaliser des dissertations en vue d’approfondir leur cours. Ils doivent ensuite indiquer les questions qu’ils ont posées à l’IA, les réponses obtenues et les modifications qu’ils y ont apportées pour répondre aux exigences de l’exercice. L’idée est de les amener à montrer comment on peut intégrer, à bon escient, ces outils dans nos méthodes de travail.

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