Le mobile a-t-il sa place en classe ?

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Quel est le bon usage du smartphone en classe ? La question est difficile tant l’utilisation intensive voire addictive est devenue forte chez les jeunes. Elle est d’ailleurs officiellement interdite dans l’enceinte des écoles et des collèges, sauf avis contraire de leur conseil d’administration. Pourtant, employé à bon escient, le smartphone peut présenter des vertus pédagogiques.

Depuis l’introduction de la télévision chez les ménages, les débats qui entourent l’usage d’outils de communication pouvant détourner l’attention d’activités plus essentielles comme la lecture sont récurrents. Aujourd’hui, ce sont les smartphones qui les polarisent. Peuvent-ils s’inviter dans les salles de classe ou doivent-ils en être bannis ? Une chose est sûre, les occulter en y faisant barrage serait un déni de réalité. « Le smartphone est devenu un fait social  total », estime Jean-François Cerisier, professeur des universités à l’Université de Poitiers et directeur du laboratoire de recherche en technologies numériques pour l’éducation Techné. En outre, du fait de la possibilité de les utiliser à des fins pédagogiques, les interdire serait contre-productif.

Sensibiliser à un usage raisonné et responsable

Les portables alimentent chez les parents la peur que leurs enfants consomment de manière excessive des fake news, développent des addictions au jeu ou tombent sur des contenus dangereux. L’enjeu, selon Jean-François Cerisier, est donc de les en préserver de manière pédagogique. « Les usages doivent être accompagnés dans l’enceinte de l’école, qui doit prendre une part plus active à l’éducation au numérique. Il s’agit notamment de sensibiliser les jeunes aux enjeux du numérique et de leur apprendre à utiliser les équipements de manière raisonnée, citoyenne et responsable », note-t-il.

L’accompagnement de l’école doit également concerner l’usage technique des outils, car les déficits de compétences des jeunes sont encore nombreux. Or, la maîtrise opératoire des équipements ne peut pas provenir uniquement de leur expérience personnelle, plus tournée vers les réseaux sociaux et les jeux. « Leur expérience acquise n’inclut généralement pas l’usage de logiciels et les pratiques pouvant être utiles dans des situations scolaires. Dans le cadre des enseignements hybridés ou à distance, cela fait obstacle à l’apprentissage », ajoute-t-il. La formation à l’usage du numérique suppose toutefois que tous les élèves soient équipés de smartphones. « L’État et les collectivités n’ont pas les moyens d’équiper et d’assumer les coûts de renouvellement des outils numériques des établissements. L’option qui pourrait assurer une dotation équitable serait que la force publique vienne en aide aux familles via des financements basés sur des critères sociaux », recommande-t-il.

Un outil qui permet de transmettre du savoir

L’enjeu est important puisque les smartphones et les tablettes ont déjà fait leurs preuves en classe. Selon Sophie Guichard, professeure de mathématiques au lycée polyvalent Édouard Branly de Lyon et fondatrice de la plateforme mathenvideo.fr, l’usage du portable peut même constituer un vecteur de cohésion entre les élèves. «  Il y a trois ans, j’ai monté un projet avec mes élèves consistant pour chacun d’eux à créer une vidéo pédagogique de correction d’un exercice de mathématiques avec son smartphone », raconte-t-elle. Par cette démarche, la professeure entendait inciter ses élèves à être transmetteurs de savoir. Les corrections filmées des exercices ont été mises en ligne pour constituer une banque de données accessible sur YouTube, donc décloisonnée de la classe. La production de contenus destinés à être partagés a donc été un levier de sensibilisation. « Les élèves ont compris qu’ils pouvaient être acteurs de l’usage du téléphone. Ce dernier n’asservit plus, mais devient porteur de fonctionnalités pédagogiques », affirme-t-elle. D’ailleurs, ses élèves utilisent également leur smartphone ou tablette pour recevoir des liens sous forme de QR Code qui renvoient aux contenus qu’elle met à disposition sur sa plateforme.

La vigilance reste de mise

Le numérique est néanmoins à utiliser avec parcimonie dans le cadre des activités d’apprentissage car « sa valeur ajoutée n’est pas toujours scientifiquement prouvée », rappelle Jean-François Cerisier. La fréquence et la durée d’utilisation doivent être ajustées en fonction de la discipline étudiée. « Le numérique offre des modes efficaces de représentation de l’information. C’est le cas de certains logiciels de géométrie qui permettent de réaliser des simulations et de générer des gains de temps », ajoute-t-il. Enfin, le recours au smartphone doit rester inscrit dans un cadre précis que le professeur peut resserrer, par exemple lorsque les élèves s’en servent à outrance. « L’enseignant doit poser un cadre de confiance, expliquer aux élèves que l’utilisation du téléphone est un passe-droit autorisé pour des raisons pédagogiques et qu’ils doivent se plier au règlement intérieur de l’établissement, auquel cas le portable pourra être confisqué », conclut Sophie Guichard.

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