« Les EdTech doivent proposer des solutions validées sur le plan scientifique »

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Alors que les EdTech sont de plus en plus nombreuses – 500 selon une étude d’EY-Parthénon – les établissements d’enseignement supérieur sont en droit d’interroger l’efficacité des outils qu’elles proposent. Comment les évaluer ? Sur quels critères choisir ses futurs partenaires ? Les éclairages de Loïc Plé, directeur de la pédagogie à l’IÉSEG School of Management.

Quels sont les critères d’adoption d’une EdTech au sein de l’IÉSEG ?

Nous nous assurons, dans un premier temps, que nous ne disposons pas déjà d’une solution similaire puis nous organisons une première prise de contact avec l’EdTech si la sienne nous paraît intéressante. Il est important que nous ayons une vision à la fois technique et pédagogique du produit. C’est la raison pour laquelle le directeur de l’organisation et des systèmes d’information m’accompagne lors de ces rencontres préliminaires. Si cette première prise de contact est encourageante, nous mettons en place un projet pilote avec un ou plusieurs enseignants. L’objectif est de voir si la solution tient sa promesse commerciale et si elle s’intègre à notre architecture technique. Nous nous renseignons également sur la qualité du service auprès d’autres écoles utilisatrices et nous évaluons la réactivité de l’entreprise, par exemple si une fonctionnalité a besoin d’être améliorée. Si les retours d’usage de nos étudiants et enseignants font état d’une réelle valeur ajoutée, nous signons alors un premier contrat d’un an avec l’entreprise.

Avec quelles EdTech avez-vous noué des partenariats ?

Nous travaillons notamment avec la plateforme d’évaluation par les pairs ChallengeMe et la solution interactive Wooclap. Cette start-up belge est un exemple de ce que devrait faire une EdTech en matière de collaboration avec les clients, de réactivité, de qualité de service, de volonté d’enrichir la solution… Nous collaborons également avec la start-up Deep Memory, qui est incubée à Station F. L’atout de cette entreprise, c’est qu’elle a développé sa solution de mémorisation des connaissances en se basant sur les apports de la recherche en sciences cognitives. De façon générale, il est important que les EdTech puissent proposer des solutions pédagogiques dont le fonctionnement s’adosse à des principes validés par la recherche scientifique. C’est d’autant plus important qu’on observe actuellement, en parallèle du boom de l’intelligence artificielle, une explosion de solutions qui se présentent comme des « outils miracles » d’apprentissage, alors qu’il n’en est rien. Ces derniers sont d’ailleurs parfois développés par des personnes qui ne connaissent rien à nos métiers.

S’agit-il d’un phénomène important au sein de la filière EdTech ?

Heureusement non, car le secteur s’est professionnalisé. Une association comme EdTech Hauts-de-France regroupe par exemple des entreprises très professionnelles. Assez souvent en revanche, les sites Internet des EdTech sont décevants, mettant simplement en avant de petites vidéos de présentation et ne donnant pas vraiment la possibilité d’appréhender le fonctionnement de leur outil. Il s’agit peut-être d’une stratégie commerciale mais à titre personnel, cela me pose un vrai problème de ne pas trouver suffisamment d’informations.

Quels conseils donneriez-vous à vos homologues pour choisir les « bonnes » EdTech ?

Je pense que nous adoptons tous la même approche. Cela s’est vu à l’occasion d’une conférence organisée en 2022 dans le cadre de la CDEFM (Conférence des directeurs des écoles françaises de management). Nous sommes tous dans une logique de prudence : il s’agit de s’assurer que l’EdTech apporte une vraie réponse en matière d’amélioration des apprentissages, de ne pas se focaliser sur le volet technologique mais d’examiner en profondeur l’intérêt pédagogique pour les étudiants, les enseignants, mais également les équipes administratives. Il faut également prendre en considération le sérieux de l’entreprise, qui n’est pas corrélé à son âge ou sa taille, mais à sa proposition pédagogique. Celle-ci devrait vraiment s’adosser à des travaux de recherche non pas menés en interne, mais validés sur le plan académique.

Qu’attendez-vous de la filière dans les années à venir ?

Les EdTech auraient tout à gagner à proposer à leurs clients (écoles d’ingénieurs, de commerce, universités…) de développer des programmes de recherche conjoints autour de l’efficacité de leur solution. Cela permettrait de renforcer les liens entre ces différentes institutions et de donner aux EdTech une bonne visibilité à l’international. Par ce biais, elles pourraient se prévaloir de résultats probants. Par ailleurs, elles doivent prendre en considération un certain nombre d’enjeux comme la protection des données des étudiants, qui doivent être stockées sur des clouds alignés sur le RGPD et ne pas être réutilisées à des fins commerciales. Il existe également un sujet autour de l’évaluation des étudiants, qui ne peut plus se fonder sur les approches traditionnelles à l’heure où ChatGPT est massivement intégré dans les usages des jeunes. Il ne s’agit pas de se focaliser sur le risque de fraude mais de réfléchir collectivement, avec les EdTech, à de nouvelles manières d’apprendre (puisque les connaissances sont accessibles partout) et d’évaluer l’acquisition de connaissances et de compétences (puisqu’il est possible de déléguer à des outils la génération de contenus).

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