Passée par l’univers de la Tech (Criteo) puis de l’enseignement secondaire (professeur de lettres dans une ZEP), Anne-Charlotte Monneret souhaite désormais contribuer au rayonnement de la filière EdTech française. Celle qui succède à Rémy Challe au poste de déléguée générale d’EdTech France lève le voile sur les priorités de l’association pour 2021.
Pouvez-vous présenter l’association EdTech France ?
L’association EdTech France, créée en mai 2018, est née de l’initiative d’entrepreneurs des secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle, qui ont publié, en novembre 2017, un manifeste afin de « faire de la France la EdTech Nation ». À l’époque, ces entrepreneurs avaient compris que le numérique gagnerait en puissance au fil des années et qu’il serait pertinent de fédérer l’ensemble des acteurs de l’écosystème EdTech français pour partager leurs bonnes pratiques et mener d’éventuelles actions de lobbying auprès des pouvoirs publics. Aujourd’hui, l’association dénombre près de 300 membres qui sont des éditeurs de ressources numériques, des concepteurs de solutions technologiques, des entreprises œuvrant pour la francophonie… Elle est à l’image de la diversité de l’écosystème entrepreneurial qu’elle représente : des jeunes sociétés de moins de quatre ans côtoient des entreprises plus matures, présentes depuis plus d’une dizaine d’années sur le marché.
Quel a été l’impact de la crise du Covid-19 sur l’activité de vos membres en 2020 ?
Il a été assez différent d’une entreprise à l’autre et, surtout, relativement difficile à mesurer. Une partie de nos membres ont bien évidemment été touchés par la crise, essentiellement les jeunes pousses dont la cible était les établissements scolaires et les établissements supérieurs. Lorsqu’ils ont fermé leurs portes en mars, à l’occasion du premier confinement, ces entreprises ont vu leur communication ralentir très fortement avec leurs interlocuteurs. À l’inverse, cette crise a apporté à d’autres membres de l’association de nouvelles perspectives. Par exemple, les entreprises plutôt positionnées sur la formation professionnelle ont pu accéder à la demande des entreprises d’allouer du temps à la formation de leurs salariés, surtout à partir du mois de juin. Bien sûr, les entreprises qui ont gratuitement mis à disposition leurs solutions sur la plateforme « Solidarité Numérique » ont gagné en visibilité lors du premier confinement. Pour autant, ce n’était évidemment pas le but de cette initiative et cela ne signifie pas que leur chiffre d’affaires s’est envolé.
Quels seront vos chantiers prioritaires pour 2021 ?
Le premier chantier sera de structurer davantage l’offre de services à destination de nos membres et de nos partenaires. Nous souhaiterions par exemple constituer des groupes de travail animés par nos membres, et ainsi faciliter les échanges entre ceux qui travaillent sur les mêmes thématiques. L’objectif sera également de donner davantage la parole à nos membres, via des webinaires. Nous participons également à un projet porté par La Banque des Territoires sur le référencement des solutions EdTech existantes afin de les rendre plus accessibles au personnel enseignant. À l’aide d’un « compte EdTech », les enseignants pourront s’équiper des outils numériques dont ils ont besoin, en toute liberté pédagogique. L’année 2021 sera également ponctuée de plusieurs temps forts pour l’association. Nous serons par exemple présents aux salons Learning Technologies et Educatec-Educatice afin de valoriser nos membres et d’attirer un public d’acheteurs ainsi qu’à l’exposition universelle de Dubaï.
Comment expliquez-vous l’effervescence sur le marché de l’EdTech ?
Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Aujourd’hui, les changements de carrières sont plus systématiques et les travailleurs sont davantage tournés vers l’apprentissage, envisagé tout au long de la vie. Il est désormais admis par tous qu’il est important de se former au-delà du cycle des études supérieures. Cette idée est d’ailleurs aussi portée par les pouvoirs publics, qui placent l’éducation au cœur du plan de relance. Par ailleurs, les Français ont pris conscience que les outils numériques avaient un potentiel énorme dans le secteur de l’éducation et de la formation. L’image du robot menaçant l’existence du professeur disparaît enfin et les solutions EdTech sont peu à peu perçues comme des opportunités pour mieux apprendre. Nous voyons également que le secteur est porté par une vraie dynamique internationale. Les acteurs chinois, indiens, américains ont un temps d’avance sur l’usage des outils numériques, mais leur maturité infuse peu à peu le marché français. Et nous avons tout pour être en position de leader en Europe !
Quels établissements peinent encore à s’équiper d’outils numériques ?
Les écoles primaires peinent davantage à s’équiper en solutions numériques par rapport aux autres établissements. La raison est d’abord structurelle : elles ne disposent pas elles-mêmes du budget qui peut permettre d’acheter des ressources numériques. Il peut aussi subsister une certaine méfiance sur le fait de mettre des jeunes enfants devant des écrans. L’adoption des outils numériques est donc forcément plus lente dans ces établissements. Cette méfiance n’est d’ailleurs pas forcément fondée : beaucoup d’outils numériques ne s’utilisent pas par le biais d’un écran, mais d’un casque audio, d’un livret papier, d’un jeu éducatif… Mais, les mentalités sont en train d’évoluer, certainement à cause de la crise du Covid-19, durant laquelle les parents ont davantage eu recours à des supports numériques pour assurer la continuité pédagogique de leurs enfants.