Passée par Bercy en tant que conseillère du ministre en charge des impacts sociaux, territoriaux et environnementaux du numérique, Orianne Ledroit a développé un vif intérêt pour le numérique éducatif en devenant, en 2021, directrice de la réussite des programmes à OpenClassrooms. Le 12 juin, elle a succédé à Anne-Charlotte Monneret au poste de déléguée générale d’EdTech France.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Depuis ma sortie de Sciences Po en 2008, mon parcours est guidé par la volonté de lutter contre les déterminismes sociaux. Je suis entrée dans le numérique en 2009, en tant que chargée de mission à la mairie d’Argenteuil. À partir de 2016, j’ai travaillé au sein de l’administration du ministère de l’Économie puis au sein du cabinet du ministre. Dans ce cadre, j’ai dirigé le programme « Société numérique » de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Puis, j’ai contribué à la construction d’une politique publique d’inclusion et de littératie numérique à l’heure où l’État accélérait la dématérialisation des services publics. C’est donc dans une logique d’inclusion que j’abordais le domaine du numérique, y compris éducatif. J’en ai mieux saisi les enjeux en intégrant OpenClassrooms. Cette expérience m’a notamment permis de constater les apports positifs du numérique en matière d’acquisition de compétences, de démocratisation de l’accès au savoir et d’insertion dans l’emploi.
Quelle est votre vision de la filière ?
Le numérique est déjà fortement présent dans nos vies ainsi que dans l’éducation, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle. Il faut donc faire avec, intelligemment, en évitant les risques qui y sont associés et en développant des opportunités. La filière doit être vigilante vis-à-vis des personnes qui sont le moins à l’aise avec les usages. C’est le cas de certains enseignants qui doivent être formés, qui doivent pouvoir tester des outils et être impliqués dans l’achat des solutions. Dans le même temps, le numérique apporte des solutions d’apprentissage concrètes à plusieurs publics : les élèves dyslexiques, les demandeurs d’emploi pour lesquels il est plus facile de se former à distance, les enseignants qui souhaitent créer de l’interactivité ou compléter leurs cours par des ressources annexes… La filière est donc utile à la société puisqu’elle donne accès à davantage de dispositifs de formation et contribue à lutter contre les déterminismes. Elle est également utile à notre économie : elle emploie 10 000 personnes en France et entend relever le défi des compétences du futur.
Selon vous, quels enjeux agitent les EdTech ?
La filière doit contribuer à la construction de la souveraineté numérique française et européenne. Elle est d’ailleurs déjà à l’offensive pour déployer des solutions cohérentes avec le RGPD. Nous devons être capables de créer de l’innovation dans un cadre de respect des libertés publiques, d’éthique, d’accessibilité, de sobriété numérique et d’inclusion. Il existe un enjeu majeur de consolidation de l’écosystème : il s’agit d’en renforcer la visibilité et de faire en sorte que les bonnes pratiques se diffusent au sein de la filière. En matière de formation professionnelle, nous nous saisissons de sujets importants comme la réforme de Pôle Emploi et la création de France Travail. EdTech France compte beaucoup d’adhérents qui sont déjà des acteurs exemplaires dans la réussite des dispositifs qu’ils portent. Nous voulons donc que France Travail se construise avec eux afin que tous les marchés de la formation se consolident en prenant en compte la réussite des programmes portés par les EdTech. Pour cela, une amélioration de la gouvernance de la formation professionnelle est nécessaire.
Quelles sont vos missions au sein d’EdTech France ?
Mon rôle est de porter la voix de la filière auprès des pouvoirs publics. J’assure également une mission « macro » de structuration et de consolidation de la filière. Elle consiste à rencontrer des partenaires, mesurer la maturité de la filière, favoriser les partenariats public/privé… Dans ce sens, beaucoup d’échanges se tiendront entre les pouvoirs publics et nos membres afin que ceux-ci s’outillent davantage et bénéficient de partages de bonnes pratiques, de regards de professionnels… L’animation de la filière que j’assurerai aura également pour but de créer de l’intelligence collective et de rendre visibles nos positions, qui sont légitimes puisqu’elles sont nourries par des expériences entrepreneuriales de terrain. Ces positions sont utiles aux pouvoirs publics comme aux partenaires qui participent à de grands projets : associations, grandes écoles, la Caisse des dépôts…
Sur quels travaux travaillez-vous déjà ?
Nous publierons, dans quelques jours, une note portant des propositions qui visent à simplifier les dispositifs, très complexes, de la formation professionnelle. Sur le segment K12, nous contribuons aux expérimentations du dispositif Territoires numériques éducatifs et nous souhaitons en retirer des enseignements afin de développer des projets qui fonctionnent encore mieux à l’échelle nationale. Nous menons également des travaux dans le cadre du dispositif « Compte ressources », dont le but est de faciliter, pour les enseignants, l’accès aux outils et ressources numériques au service de leurs élèves.