Que disent les chercheurs sur le numérique éducatif ?

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Afin de valoriser les recherches sur le numérique en éducation et en formation, la DNE a organisé, le 12 juin, une rencontre des thèses francophones pour diffuser certains résultats auprès de la communauté éducative. Retours de chercheurs sur la réalité du terrain.

Les équipements numériques améliorent les compétences disciplinaires

Clémence Lobut, doctorante au département Économie de Sciences Po Paris, a pris pour objet de recherche l’évaluation du plan numérique de 2015 et la fourniture d’équipements numériques pour les élèves (tablettes, ordinateurs portables, classes mobiles comprenant des équipements partagés…) Elle a étudié leur impact sur les apprentissages et les compétences sociocognitives (en particulier la créativité et la collaboration) des élèves. Ses résultats montrent que les élèves des établissements équipés ont eu des résultats légèrement plus élevés en français, en mathématiques et en compétences numériques. « Les effets positifs sont légèrement supérieurs lorsqu’il s’agit d’équipements individuels. En revanche, ces derniers ont provoqué un effet négatif sur la créativité », explique-t-elle. Selon l’étude, c’est sur la collaboration que les équipements partagés ont un impact positif, étant donné qu’ils favorisent les activités de groupe.

D’autre part, les résultats – non définitifs – des travaux menés par Clémence Lobut pendant la période du confinement tendent à montrer que les compétences disciplinaires des élèves issus d’établissements d’éducation prioritaire équipés se sont améliorées. « On peut supposer que cet effet provient de l’augmentation des interactions avec les enseignants, notamment pour les élèves issus de milieux défavorisés dont les parents n’avaient pas la disponibilité ou les moyens de les accompagner », explique-t-elle.

Les enseignants veulent de meilleurs espaces d’apprentissage

On sait que les espaces physiques, la manière dont ils sont agencés et les dispositifs numériques disponibles en leur sein impactent les interactions et les apprentissages. Hanna Verdel, docteure en psychologie et ergonomie de l’Université de Lorraine, a travaillé pendant 4 ans sur les environnements numériques et physiques dédiés aux apprentissages. L’une des études qu’elle a menées a porté sur les représentations des enseignants de leurs usages numériques ainsi que de leur espace de classe idéal. Celui-ci serait composé de trois sous-espaces distincts. « D’abord, un grand espace qui comprendrait un espace mobile et modulable agencé selon les activités réalisées par l’enseignant. Ensuite, un sous-espace réservé au travail individuel sous forme d’espace traditionnel. Et un dernier, contenant du mobilier ergonomique, réservé au repos des élèves qui souhaitent s’isoler. »

L’espace « rêvé » des enseignants serait aussi composé de différents outils numériques : tableaux interactifs, ordinateurs portables, tablettes…, sur lesquels les enseignants rencontrent d’ailleurs des difficultés techniques et expriment un besoin de formation. Enfin, l’espace idéal « donnerait également un accès direct à un espace extérieur ou vert », souligne-t-elle.

L’IA est un sujet qui reste à creuser

Le monde traverse une période d’accélération technologique majeure et la sphère de l’éducation n’y échappe pas. Dans ce contexte, les questionnements liés à l’éthique des usages numériques, en particulier lorsqu’il s’agit de l’intelligence artificielle, se multiplient. Dans ce cadre, Michael Zeyringer, doctorant à l’Université de Strasbourg, souhaite étudier « l’impact de principes éthiques et de valeurs dans l’usage ou le non-usage, par des professeurs des écoles, d’applications d’IA » pour l’enseignement du français et des mathématiques. « Cette question est d’autant plus importante qu’on s’aperçoit qu’il existe différents types d’éthique : une éthique de principe, dans laquelle s’inscrivent les recommandations institutionnelles, et une éthique plus individuelle qui engage chacun dans une forme de responsabilité », souligne-t-il. Dans le cadre de son étude, il prévoit de s’appuyer sur la théorie unifiée de l’acceptation et de l’utilisation des technologies (UTAUT). S’appuyant sur 4 variables explicatives (performance attendue, efforts perçus à déployer pour s’approprier l’outil, influence sociale et conditions facilitantes), ce modèle reste selon lui à augmenter à la lumière des enjeux actuels. « Nous proposons de rajouter deux variables : le risque perçu et la question de la transparence, qui apparaît dans les documents institutionnels comme un des principes d’éthique ».

L’enjeu est aussi d’inscrire cette étude dans le temps. « On peut imaginer que les positionnements, les représentations peuvent évoluer très vite car nous nous situons dans une phase d’accélération marquée par une abondance de communication autour du sujet de l’IA. Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, les enseignants peuvent faire évoluer leurs positions rapidement », conclut-il.

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