Lorsqu’elles sont bien utilisées, les intelligences artificielles génératives peuvent être un formidable partenaire pédagogique. Mickaël Delaunay, ingénieur en mathématiques appliquées, a lancé un site éducatif dont les contenus pédagogiques sont en partie générés par les IA. Un an après sa création, le site dénombre déjà 2000 contenus.
Comment en êtes-vous arrivé à créer un site éducatif ?
Durant mon parcours, j’ai beaucoup travaillé sur le référencement web et les intelligences artificielles. L’une de mes activités consiste à accompagner des organismes à améliorer le référencement de leur site Web. En matière d’intelligence artificielle, j’ai pu éprouver Midjourney et la capacité de ChatGPT 4 à générer des images (via DALL-E 3). Ayant accumulé des connaissances sur ce volet, j’ai décidé d’appliquer à moi-même les conseils que je donne à mes clients en créant une sorte de « laboratoire ». Il y a un an, j’ai ainsi lancé le site éducatif « expliquepourquoi », qui vise à vulgariser des concepts scientifiques, redonner le goût de l’histoire… En constatant que les jeunes avaient de plus en plus d’appétence pour les contenus brefs (YouTube shorts, TikTok…), j’ai décidé d’adopter un format capable de les attirer en m’appuyant sur les apports de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, ce site peut servir de support à la révision ou à l’enseignement.
En quoi l’IA vous a-t-elle été utile lors du lancement de votre site ?
Le site a pour but de répondre à une multitude de questions historiques et scientifiques (par exemple : « Pourquoi le ciel est bleu ?). Étant seul à l’administrer, je me suis beaucoup adossé sur l’IA, à la fois pour rédiger les articles et les imager. L’approche que j’adopte souvent est de partir d’anecdotes qui peuvent servir d’amorce (par exemple, pourquoi Alexandre Le Grand refusait de porter des chaussures). La valeur ajoutée du site est qu’il permet, pour chaque question soulevée, de donner une réponse brève et, dans un second temps, une réponse détaillée. D’un point de vue pédagogique, cette démarche ambitionne de coller au plus près des nouvelles habitudes des apprenants, qui ont développé une rapidité d’usage d’Internet pour trouver rapidement des réponses à leurs questions. L’idée est donc d’éveiller leur curiosité tout en les incitant à développer leurs connaissances plus en profondeur. Les articles intègrent également une FAQ et des quizz.
Quelles précautions prenez-vous pour rédiger les articles à travers l’IA ?
Mon expertise m’a permis de comprendre que l’IA générative, dépendamment du modèle qu’on utilise, formule des réponses plus ou moins qualitatives. Sur certains sujets comme la politique, sa fiabilité est sujette à débat. Un outil comme ChatGPT est conçu de façon à être trop « précautionneux » et peut même donner des réponses banales. En revanche, pour ce qui concerne les questions autour desquelles il existe un très fort consensus scientifique, l’IA se trompe très peu. C’est dans ce cadre qu’elle fait gagner beaucoup de temps. J’assure toutefois un travail de relecture en m’aidant d’un outil informatique que j’ai moi-même créé. Il permet de vérifier la fiabilité des réponses via une recherche sur Google. Je valide ensuite moi-même les contenus un à un. Enfin, j’ai développé des techniques d’usages de l’IA qui me permettent d’avoir les réponses les plus pertinentes possible.
Lesquelles par exemple ?
J’utilise l’API payante de ChatGPT 4, qu’OpenAI met à disposition et qui offre plus de fonctionnalités que ChatGPT 4. Elle permet de recevoir plus de 40 messages toutes les trois heures. Donc d’envoyer plus d’informations et d’instructions à l’outil. Par ailleurs, l’API permet de modifier certains paramètres, dont la « température » et le « Top P », qui régissent le caractère aléatoire des réponses. On peut donner une valeur allant de 0 et 2 à ces variables. Plus elles sont élevées, plus on autorise GPT à faire des sorties aléatoires et donc à s’écarter de ce qu’on appelle le « consensus ». Par exemple, si on demande à l’outil si la terre est plate, il va toujours répondre non. Mais avec une température extrême, il pourrait commencer à ne pas forcément respecter le consensus scientifique puisqu’il existe, sur Internet, une proportion non négligeable de personnes qui considèrent que la terre est plate. Je fais donc l’inverse : avec une température proche de zéro, je fais en sorte que ChatGPT me réponde de la même manière à la même question si je la lui pose plusieurs fois.
Vous utilisez également l’IA pour générer des images. Quels conseils donneriez-vous aux professeurs qui souhaitent le faire à des fins pédagogiques ?
DALL-E 3 (qui possède une API) est le meilleur outil de génération d’illustrations, Midjourney étant surtout efficace sur la création d’images photographiques. On peut utiliser DALL-E 3 soit sur le site de l’outil, soit via ChatGPT à l’aide d’un abonnement payant. C’est d’ailleurs cette seconde option que je conseillerais aux professeurs. Ce qui est intéressant, c’est qu’il améliore le prompt initial (celui adressé par le professeur à ChatGPT) en s’adressant à DALL-E. Et lorsqu’on clique sur l’image générée, puis sur le « i » (information) en haut de l’image, on peut obtenir le prompt réel transmis par GPT à DALL-E 3. On s’aperçoit que ce prompt est bien plus fourni : cela signifie que GPT fait l’effort de traduire et de compléter le prompt afin que DALL-E 3 puisse générer une meilleure image. L’avantage de DALL-E 3 en comparaison à Midjourney par exemple, est donc cette intégration étroite avec ChatGPT.