Vers une éco-conception du digital learning

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À l’heure où la sobriété numérique s’impose comme un défi social, le monde de la formation professionnelle doit questionner ses pratiques et sensibiliser ses équipes. C’est en tout cas la certitude d’Emilie Canet, directrice du pôle conseil et formation chez LearnAssembly, qui accompagne les organismes de formation dans leurs transformations stratégiques.

Comment définissez-vous l’éco-conception de la formation ?

Nous partons du principe que le digital produit un impact écologique relativement important et que sa consommation doit être, par conséquent, mesurée. Le digital learning, au même titre que les autres technologies, n’échappe pas à cet enjeu. Ce sujet est très important en France car la question de la sobriété numérique est très peu prise en considération au sein des organismes de formation et des entreprises. Il est donc essentiel de les amener à réfléchir à l’empreinte du digital learning sur leur environnement. Dans ce cadre, les concepteurs de contenus ont une responsabilité à porter en vue de contribuer à une nouvelle conception de la formation. L’éco-conception de dispositifs de formation est donc une démarche consistant à intégrer une réflexion sur la nature des contenus pédagogiques proposés et leur impact environnemental. Il ne s’agit pas de rejeter le digital mais de porter une réflexion plus durable et de prôner un usage plus maîtrisé du numérique. Cela passe par le choix des modalités de formation qui produisent le moins d’impact possible sur l’environnement.

De quelles modalités s’agit-il ?

Les médias d’apprentissage très énergivores comme la vidéo, la visioconférence, le streaming ou encore les contenus 3D sont trop prisés dans le monde de l’entreprise. Or, il est possible de s’en passer, par exemple dans le cadre de temps de formation organisés en présentiel au sein de l’entreprise. À l’inverse, plutôt que d’inciter un groupe de collaborateurs à se rendre individuellement, en voiture, à un organisme de formation, mieux vaut opter pour la classe virtuelle, qui devient, dans ce cas, le moyen le plus écologique pour se former. Selon les contextes, les responsables de formation doivent ainsi développer le réflexe de comparer différentes modalités pédagogiques en vue d’opter pour celle qui produirait le plus faible impact. Ces comparatifs sont également à penser en lien avec les profils des apprenants. Par exemple, le digital est particulièrement pertinent lorsque l’apprenant présente un risque de décrochage. Il ne l’est plus lorsqu’il prend du plaisir à lire et à se former sans recours à des médias interactifs.

Concrètement, comment éco-concevoir des dispositifs de formation ?

Ce processus doit intégrer la dimension de l’impact écologique dès les premières étapes de la conception d’un dispositif de formation. Il suppose ainsi de prendre en compte le critère écologique dans sa réflexion, au même titre que les critères logistiques ou pédagogiques. Mais la première action à mener est de sensibiliser ses équipes aux impacts écologiques du numérique, en particulier pour ce qui concerne les ressources digitales énergivores et la question du stockage des données. Celle-ci, tout comme l’usage systématique de la vidéo, sera un élément de réflexion central dans les prochaines années. Les professionnels de la formation doivent, par exemple, définir le temps optimal de stockage de contenus digitaux dans leurs datacenters. En effet, on sait que les entreprises françaises disposent d’énormes quantités de ressources numériques que les apprenants ne consultent pas ou qui sont devenues obsolètes, donc inutiles… Elles doivent aussi mieux recycler leurs contenus en interne, compresser les vidéos de formation… Connaître ces enjeux et savoir qu’il existe des mécanismes d’action simples à mettre en œuvre est déjà un pas vers plus de sobriété.

Numérique et environnement : des chiffres qui interrogent

– Passer 10 minutes à visionner en streaming une vidéo haute définition sur un smartphone revient à utiliser à pleine puissance pendant 5 minutes un four électrique de 2000W (source : The Shift Project)

–  156 heures de visioconférence émettent 12 kg d’équivalent CO2 (source : Impact CO2)

–  L’envoi d’un email avec une pièce jointe de 1 Mo équivaut à la consommation d’une ampoule électrique de 60 watts pendant 25 minutes (source : Ademe)

–  Les datacenters sont à l’origine de 2 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, atteignant le même niveau que le transport aérien (source : Grenly)

 

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