EdTech Day – Peut-on vraiment mieux apprendre en jouant ?

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Le jeu améliore-t-il l’apprentissage des élèves ? Cette question est loin d’être simple tant les facteurs (psychologiques, sociologiques, économiques) qu’elle fait intervenir sont nombreux. Éclairages d’Eric Sanchez, professeur en technologies éducatives à l’Université de Genève (TECFA), à l’occasion d’une conférence tenue le 6 novembre lors de l’EdTech Day, à Lyon.

L’impact des jeux éducatifs sur l’apprentissage est une question largement débattue dans le monde de l’éducation. Mesurer leurs effets avant de les diffuser est important pour les institutions, qui doivent faire face à des contraintes budgétaires. Problème : il reste très difficile de mesurer les impacts concrets de l’usage de jeux sur les trajectoires d’apprentissage des élèves.

L’exemple de Classcraft

Le jeu de gestion de classe Classcraft permet d’attribuer des points aux élèves en fonction de leur comportement en classe. L’environnement du jeu est représenté sous la forme d’un tableau de bord destiné à l’enseignant. « Des expérimentations de Classcraft ont été menées dans deux contextes différents : au Brésil et en Suisse. Au Brésil, on a observé que le professeur distribuait des pièces d’or à ses élèves. En Suisse, les enseignants ont plutôt tendance à distribuer des points d’expérience. Ce sont deux mécaniques de jeu différentes : les pièces d’or servent à encourager un élève qui a par exemple réussi à réaliser un exercice difficile. Les points d’expérience servent, quant à eux, à sanctionner un comportement en classe », a ainsi expliqué Eric Sanchez, lors d’une conférence organisée dans le cadre de l’évènement EdTech Day, organisé par EdTech Lyon.

Ces résultats mettent en lumière des usages différents selon les contextes et les problématiques : les professeurs suisses ont des élèves doués mais turbulents. Au Brésil, c’est l’amélioration de l’engagement des élèves en classe qui est recherchée. « Bien que ce jeu ait été adopté à large échelle dans le monde, on voit bien qu’il est difficile d’en mesurer l’impact. Ou de savoir si cet impact est lié à des effets contextuels en lien avec les besoins des enseignants. Par conséquent, on ne peut pas affirmer que l’outil, en lui-même, a un intérêt. Le tableau noir utilisé en classe par les enseignants suit le même principe : il n’y a jamais eu d’étude randomisée pour en démontrer l’efficacité. Pourtant, il a été largement adopté partout dans le monde », ajoute-t-il.

Le défi méthodologique de l’évaluation de l’impact

Autre problème qui se pose : la définition même de la notion d’apprentissage. « C’est un terme qui peut désigner le processus ou ses résultats. Par ailleurs, il peut se référer à la mémorisation, au développement de compétences… Les points de vue des enseignants sont différents selon leur discipline. Il existe également une différence entre la connaissance, qui est incarnée, et le savoir, qui suppose que l’élève soit capable d’expliquer aux autres ce qu’il a appris », indique-t-il.

De la même façon, la technologie du jeu est difficile à définir : il peut s’agir de la technologie utilisée dans la classe, mais également de la situation de jeu. Il existe aussi une variété de jeux : simulation, jeux numériques, jeux de plateau… L’autre question qui se pose est celle de savoir commet mener les expérimentations puisque les situations d’apprentissage sont complexes. « L’éducation est un fait social total : elle dépend de déterminants psychologiques, sociologiques, économiques. Or, on ne contrôle aucune variable lorsqu’on rentre en situation d’analyse de ce qui se passe à l’intérieur de la classe. Enfin, l’effet Hawthorne (la situation dans laquelle les résultats d’une expérience sont liés au fait que les sujets ont conscience qu’ils sont observés) peut induire des biais. »

Adopter une « rationalité limitée »

L’impact du jeu sur l’apprentissage est fortement dépendant de facteurs contextuels, individuels, institutionnels… « Je pense donc qu’il faut substituer à cette rationalité instrumentale, qui suppose de rechercher l’instrument qui permettrait d’obtenir le meilleur résultat, une rationalité limitée ou procédurale. C’est d’ailleurs ce que font les entreprises. Celles-ci n’analysent pas toutes les situations ou tous les fournisseurs. Elles regardent en revanche la logique du processus, les critères de qualité. C’est d’ailleurs ce que nous faisons à Genève par le biais de la recherche orientée par la conception, le design-based research* », conclut-il.

* Le design-based research consiste à développer des solutions pour répondre à des problèmes. Elles sont ensuite mises en pratique pour tester leur efficacité. Les itérations peuvent ensuite être adaptées et retestées pour recueillir davantage de données. Cette approche de recherche s’appuie donc sur des conceptions itératives pour développer des connaissances qui améliorent les pratiques éducatives.

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