TRIBUNE – La Tech peut-elle rendre la formation professionnelle plus verte ? Par Arnaud Portanelli, Co-fondateur de Lingueo

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Alors que l’Université d’Hiver de la Formation Professionnelle (UHFP) s’est achevée il y a quelques jours à Cannes, un sujet s’impose dans la sphère de la formation : comment la Tech peut-elle réconcilier compétences humaines et limites planétaires ?

Le numérique et l’IA transforment déjà l’apprentissage, mais former aux métiers de demain ne suffit plus. Il faut désormais le faire sans épuiser les ressources d’aujourd’hui. Et si la Tech, souvent pointée du doigt pour son empreinte carbone, devenait le levier d’une formation professionnelle plus verte ? Car l’enjeu ne se limite pas aux contenus : les formats de formation eux-mêmes doivent évoluer. Entre présentiel émetteur et digital énergivore, la voie est étroite… mais pas impossible.

La double équation de la formation durable

Le secteur est à la croisée des chemins :

  1. Former aux compétences vertes (transition énergétique, éco-conception, etc.), comme le prévoient les ateliers UHFP sur la « certification environnementale » ou l’« accompagnement des transitions climatiques ».
  2. Réduire l’empreinte carbone des dispositifs de formation eux-mêmes – un angle mort dont personne ne parle assez.

Prenons un exemple concret : une heure de visioconférence émet en moyenne 0,3 kg CO₂e (source : ADEME). Multiplié par des millions d’apprenants, l’impact devient colossal. Pourtant, combien d’organismes affichent ces données ? Combien intègrent la sobriété numérique dans leurs parcours pédagogiques ?

La Tech n’est pas une ennemie… à condition de la dompter

High Tech Actu le rappelait récemment : l’IA et le digital transforment l’éducation, mais leur utilisation doit être militante, pas naïve. Chez Lingueo, nous avons choisi de mesurer chaque gramme de CO₂ émis par nos formations linguistiques en ligne. Ces chiffres, partagés en temps réel avec nos apprenants, ne sont pas qu’un exercice comptable. Ils éduquent. Les collaborateurs privilégient les modules asynchrones, les entreprises optent pour des parcours hybrides. La transparence environnementale devient un levier pédagogique et un critère de choix.

Les limites actuelles des compétences vertes

L’UHFP le révèle dans son programme : les certifications RSE et les référentiels « verts » se multiplient, mais comment croire à une formation durable quand les parcours présentiels, pourtant très émetteurs (transports, hébergement), persistent alors qu’ils devraient être réservés aux seules formations nécessitant une pratique manuelle, qu’aucun cadre commun ne régit l’éco-conception des modules, et que peu d’organismes sont en capacité de mesurer et d’afficher l’empreinte carbone de leurs formations ?

Former à la transition écologique implique aussi de transformer nos méthodes d’apprentissage. La solution ? Un pacte sectoriel, inspiré des Skills Data Space évoqués ici même, mais centré sur l’urgence climatique. Imaginez :

  • Un observatoire ouvert mesurant l’impact carbone de chaque dispositif (présentiel, digital, blended).
  • Des certifications exigeantes obligeant à publier bilan CO₂ et plans de réduction.
  • Des partenariats publics/privés pour financer l’innovation low-tech dans la EdTech.
Et l’humain dans tout ça ?

Ne nous y trompons pas : la formation durable n’est pas qu’une histoire de données ou de technologies. C’est un projet de société.

  • Pour l’apprenant, c’est l’assurance d’acquérir des compétences utiles sans contribuer à l’effondrement écologique.
  • Pour l’entreprise, c’est un moyen de réduire son scope 3 (émissions indirectes) tout en fidélisant des talents en quête de sens.
  • Pour les territoires, c’est l’occasion de créer des écosystèmes locaux de formation, limitant les déplacements et relocalisant les savoirs.
Conclusion : osons la sobriété heureuse

L’UHFP 2025 a marqué un tournant : les ateliers sur la transition écologique ont été parmi les plus suivis. Preuve que le secteur a pris conscience de son rôle. Mais pour éviter le greenwashing, une règle d’or s’impose : chaque innovation pédagogique doit désormais afficher son passeport carbone.

Chez Lingueo, nous avons suivi les débats… depuis Paris, en visio. Parce que réduire son impact, c’est aussi montrer l’exemple. Et si demain, chaque organisme de formation rejoignait ce mouvement ? Et si, enfin, la compétence la plus enseignée devenait l’art de former autrement ? Si nous voulons un avenir durable, la formation doit en être le moteur. Il est temps de passer de la parole aux actes.

À propos de l’auteur : Arnaud Portanelli est co-fondateur de Lingueo, leader des formations linguistiques en visioconférence. Engagé pour une formation transparente et bas carbone, il milite pour l’intégration systématique des bilans environnementaux dans les parcours pédagogiques.

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