Exploiter le jeu vidéo pour éduquer, agir contre le décrochage scolaire et améliorer le climat scolaire, tels sont les objectifs poursuivis par l’académie de Versailles à travers les ateliers esport qu’elle a mis en place dans certains collèges. Depuis cette rentrée, elle élargit l’expérimentation au sein de 20 collèges et lycées dans le cadre de son projet « Educ Esport », qui a été présenté à l’occasion d’Educatech Expo.
La recherche scientifique s’intéresse aux effets du jeu vidéo et à l’impact que celui-ci peut avoir sur le développement des compétences transversales. Au sein de l’académie de Versailles, une démarche innovante, financée auprès de 20 collèges et lycées à compter de cette rentrée scolaire et pendant encore 5 ans, implique partenaires universitaires et communauté scolaire. En 2021 déjà, un dispositif éducatif consistant à intégrer l’esport dans les établissements avait été mis en place avec Seine et Yvelines Numérique et l’organisateur d’événements esport ArmaTeam dans plusieurs collèges des Yvelines. Dans ce cadre, et avec le souhait d’évaluer l’impact de ce dispositif dans le temps par une recherche-action et l’étendre aussi aux lycées, la DANE de l’Académie de Versailles, l’Institut des sciences du sport-santé de Paris et ArmaTeam ont répondu à l’Appel à Manifestation d’Intérêt France 2030 « Innovation dans la forme scolaire » en proposant le projet « Educ Esport ».
L’esport : un phénomène en plein essor
L’esport ou sport électronique se définit comme l’affrontement simultané de joueurs lors de compétitions organisées et réglementées de jeux de vidéo. « Il ne s’agit donc pas de jeux vidéo qui miment des activités sportives mais d’une pratique compétitive du jeu vidéo, quel qu’il soit. Ainsi, dans l’esport, une multitude de disciplines sont concernées : courses automobiles, jeux de combat, jeux de stratégie ou encore jeux de cartes », explique Nicolas Besombes, enseignant-chercheur à l’Institut des sciences du sport-santé de Paris. L’intérêt de l’esport pour l’éducation se traduit ainsi par le fait qu’il sollicite différents types de compétences sur lesquelles il est possible de travailler. Les acteurs de la sphère éducative y voient également un moyen d’éduquer à la citoyenneté numérique. « Au-delà des clichés associés au jeu vidéo, l’esport peut constituer un levier d’échange au sein de la communauté éducative. Son déploiement peut être une manière d’appuyer les apprentissages scolaires », souligne Stéphane Guérault, adjoint à l’innovation pédagogique à la DGESCO. Enfin, la volonté de faire de l’esport un objet d’expérimentations éducatives s’explique par l’étendue de sa pratique en France : « Entre 2018 et 2023, le nombre de joueurs qui se sont inscrits à des compétitions en ligne ou en présentiel est passé de 900 000 à 2,3 millions. La pratique esportive étant essentiellement masculine et majoritaire au sein de populations jeunes issues de classes sociales favorisées, nous y voyons également un intérêt pour promouvoir la diversité de genre et de classe », ajoute Nicolas Besombes.
Ateliers hebdomadaires
Au sein de l’académie de Versailles, la pratique de l’esport sera expérimentée pour mesurer scientifiquement son apport dans la prise en charge de problématiques prioritaires comme le décrochage scolaire, le climat scolaire et la socialisation. « L’expérimentation se tient dans des lieux partagés avec des animateurs esportifs formés et des formateurs de la DANE. Concrètement, les jeunes peuvent s’inscrire à une programmation annualisée qui comprend des ateliers hebdomadaires d’une heure et demie. Le programme d’activités intègre de la pratique, de l’encadrement et de l’entraînement destinés à travailler sur les compétences sociales, individuelles et cognitives », indique Laurent Fouillard, directeur de la délégation régionale au numérique éducatif Île-de-France. Par ailleurs, chaque établissement dédie une salle équipée à la pratique esportive, avec une sélection de jeux adaptés aux âges des élèves des collèges et lycées ainsi qu’aux objectifs pédagogiques portés par les ateliers. Les activités prévues concernent, quant à elles, plusieurs disciplines comme les arts graphiques, les langues ou encore les sciences humaines.
Évaluation d’impact
Dans le cadre de cette recherche-action, l’intérêt sera particulièrement porté sur les effets du dispositif sur le climat scolaire et les relations interpersonnelles. L’étude, qui s’appuiera sur une méthodologie qualitative et quantitative, tentera aussi de faire comprendre de quelle manière les pratiques du jeu vidéo encadrées sous forme compétitive peuvent permettre de développer des savoir-être et savoir-faire chez les pratiquants. « Ici, nous nous focaliserons sur les compétences numériques et psychosociales et la cohésion sociale via des questionnaires sociométriques, des cahiers d’observation, des entretiens ou encore des focus groupes avec des élèves de même classe ou de niveaux différents, des enseignants… L’objectif, in fine, est de formuler des recommandations et, au fur et à mesure de la récolte des données, de donner au dispositif la forme la plus aboutie possible », précise Nicolas Besombes.