Jugée trop expérimentale par certains experts, l’adoption de l’IA doit passer par la mise en place d’un écosystème durable pour générer des résultats tangibles. Dans ce contexte, quelles sont les stratégies pouvant accélérer le déploiement de cette technologie au sein des organisations ?
Plus de deux ans après l’apparition de ChatGPT, l’appropriation de l’IA est de plus en plus importante : en février 2025, ChatGPT dépassait la barre des 400 millions d’utilisateurs. Et certaines études mentionnent que 55 % des salariés dans le monde utilisent l’IA générative pour travailler, en mobilisant des outils non approuvés par leur entreprise. Un phénomène désormais appelé « Shadow AI ». Pour autant, le développement des compétences en lien avec l’IA n’a pas suivi le même rythme. « Les personnes compétentes en IA sont loin d’être aussi nombreuses. Il existe ainsi une dichotomie entre les individus et les organisations. Ces dernières se posent des questions sur la manière d’intégrer l’IA et s’il faut impliquer toutes les équipes », a expliqué Éneric Lopez, directeur de l’IA et de l’impact social chez Microsoft France, à l’occasion d’un webinaire organisé dans le cadre de L&D Next by 360Learning.
Une nouvelle littératie pour l’IA
Pour ne pas rater ce virage, la clé du succès est de faire monter les équipes en compétences, en vue d’intégrer l’IA dans le fonctionnement même des organisations. « Cette technologie bouleverse tous les métiers et les processus opérationnels. Son intégration nécessite aussi de porter plus d’attention aux compétences transversales, qui permettent un usage critique, créatif, analytique de l’IA », souligne-t-il. Ce développement croisé des compétences d’usages de l’IA et des soft skills appelle à la conception d’une littératie propre à l’IA. « Cette littératie concerne les employés, les collaborateurs, les citoyens… Elle suppose d’accompagner tous les acteurs à l’utilisation de l’IA générative ainsi qu’à la compréhension de ses risques et opportunités », ajoute-t-il. Avec son « AI Academy », Edflex entend contribuer à cette mission d’acculturation. L’EdTech déploie des formations en IA dont le but est de familiariser les équipes à cette technologie. « L’idée est d’embarquer le plus grand nombre dans le processus d’adoption de l’IA, notamment à travers la mise à disposition d’un socle commun destiné à toutes les équipes de l’entreprise », explique Raphaël Droissart, CEO d’Edflex.
Imaginer des cas d’usage avec l’IA
« Du côté des organisations, la littératie pour l’IA suppose une réflexion sur les bonnes pratiques, comme l’adoption d’un cadre d’utilisation sous forme de charte », soutient Éneric Lopez. Une fois ces premiers jalons posés, les entreprises doivent ensuite accompagner la conception de cas d’usage concrets afin que l’IA apporte de la valeur auprès des individus et des processus métiers. Par ailleurs, imaginer des cas d’usages a l’avantage de permettre aux employés de se projeter concrètement dans l’IA et de comprendre comment cette technologie pourrait les aider dans leur quotidien professionnel. « En parallèle, ces cas d’usages donnent des clés aux managers et décideurs pour imaginer une intégration globale et stratégique, voire une véritable transformation dans l’organisation », souligne Éneric Lopez. Plusieurs pratiques peuvent par la suite être développées : création de bibliothèques de prompts, développement d’applications en interne…
Le Learning & Development manager : un métier en mutation
Dans ce contexte, poser les piliers d’un écosystème d’IA durable implique de repenser le rôle du « L&D Manager ». « Son rôle est maintenant de former aux nouvelles compétences associées à l’IA et de les diffuser au sein de l’organisation d’une manière structurée », souligne-t-il. Même si leur mission naturelle de développement des compétences reste inchangée, les départements formation sont également appelés à transformer leurs pratiques. L’IA permet par exemple de personnaliser les parcours et d’anticiper les besoins. Par ailleurs, la data, qui était sous-exploitée avant l’avènement de l’IA, devient un instrument agile. « L’IA donne accès à des KPI dynamiques qui permettent d’ajuster les priorités en matière de formation, d’obtenir des indicateurs d’impact plus précis. Dans ce cadre, le L&D manager devient « augmenté » : il co-pilote les collaborateurs et les managers au quotidien », affirme-t-il. Le potentiel de l’IA en matière d’automatisation de certaines tâches chronophages (reporting, logistique, etc.) permet, quant à lui, de donner au L&D Manager un rôle plus stratégique de conseiller et de soutien au manager.