Hybridation des apprentissages, méthodologies pédagogiques, réaménagement des espaces physiques… Le champ des compétences attendues des ingénieurs pédagogiques s’élargit. Voici les plus importantes d’entre elles, qu’il faut cultiver absolument pour répondre aux attentes des établissements d’enseignement.
Bien connaître les enjeux de la pédagogie
Le temps des équipes TICE est révolu. Ces collectifs rassemblant des techniciens provenant de divers domaines technologiques (audiovisuel, informatique…) ont longtemps été sollicités pour la pédagogie, notamment après l’essor des MOOC ou des plateformes LMS. « Aujourd’hui, les formations sur le sujet de l’ingénierie pédagogique se développent. Elles visent à former des experts en méthodologie », explique Mattias Mano, directeur du centre d’innovation pédagogique de l’Université Paris Sciences et Lettres. Les ingénieurs pédagogiques n’ont plus uniquement pour mission de pousser l’outil numérique, mais, plus largement, d’aider les enseignants à définir leurs objectifs pédagogiques dans le cadre d’un cours. « À partir de ces définitions, nous construisons avec eux le dispositif pédagogique le plus pertinent possible au regard du contexte et du public », indique-t-il.
Apprendre à apprendre
Bien qu’il soit le bras droit de l’enseignant, qu’il accompagne sur des sujets aussi variés que le changement de modalités d’examen, l’adoption d’outils, la mise en place de classes inversées…, l’ingénieur pédagogique doit être au contact des étudiants pour savoir passer de la question « comment on enseigne ? » à « comment l’étudiant apprend ? ». « Pour aider les enseignants à opérer cette bascule, il doit pouvoir se positionner du point de vue de l’étudiant car sa mission est également d’améliorer les conditions d’apprentissage », souligne Mattias Mano. « C’est aussi dans ce cadre que l’ingénieur pédagogique peut contribuer à la mise en place de projets comme le réaménagement des espaces physiques d’apprentissage », pointe, pour sa part, Jean-Yves Poitrat, responsable du service pédagogie de l’Université Lumière Lyon 2. Par ailleurs, puisqu’un ingénieur pédagogique endosse le rôle de formateur des enseignants, il peut, de cette manière, se représenter l’idée d’expérience apprenante. « Cela lui permet d’expérimenter des dispositifs qu’il sera ensuite en mesure de recommander aux enseignants », indique Mattias Mano.
Maîtriser l’hybridation des apprentissages
L’ère post-Covid marque l’avènement de scénarios hybrides : « Ces dispositifs impliquent de penser à d’autres scénarisations si l’on veut que l’étudiant reste motivé à distance. Les ingénieurs pédagogiques doivent ainsi avoir des expertises sur le séquençage de ces cours », souligne Nathalie Hector, directrice de l’innovation et de la learner experience de SKEMA Business School. Un paradigme qui suppose notamment d’être en veille par rapport aux EdTech du marché qui pourraient contribuer à améliorer les cours. À noter que « ce travail de veille doit également concerner les pratiques d’ingénierie pédagogique qui prospèrent à l’international », précise Jean-Yves Poitrat. « L’autre expertise que nous attendons est la bonne maîtrise des data analytics afin que les enseignants apprennent à assurer un suivi personnalisé des étudiants », ajoute Nathalie Hector. Ce sujet est notamment important lorsqu’un examen révèle qu’une partie des étudiants a des lacunes sur un point spécifique, qu’il faut alors revoir en cours en adoptant une modalité pédagogique plus appropriée.
Se spécialiser dans une thématique
S’il désire travailler, par exemple, au sein d’une école de management, l’ingénieur pédagogique ne doit pas nécessairement avoir des connaissances en management. « C’est le professeur qui porte la maîtrise de la connaissance. L’ingénieur pédagogique l’aide plutôt dans la meilleure exploitation possible des différentes modalités pédagogiques », explique Nathalie Hector. Il peut aussi se spécialiser dans des approches de transmission de connaissances. Par exemple, SKEMA Business School mobilise 6 ingénieurs pédagogiques spécialisés chacun dans un domaine particulier comme la ludo-pédagogie, l’approche par compétence ou encore la différenciation pédagogique. Mais tous doivent avoir un point commun : la créativité en matière de scénarisation. « Idéalement, la personne qui pilote l’équipe des ingénieurs pédagogiques doit, quant à elle, être spécialisée en sciences de l’éducation », raconte-t-elle. Plus globalement, « parce que les missions qui nécessitent leurs expertises sont diverses, les ingénieurs pédagogiques peuvent être recrutés soit pour des durées limitées, par exemple dans le cadre d’un projet qui concernerait l’hybridation d’une formation, soit de façon pérenne lorsqu’il s’agit d’accompagner les enseignants dans l’évolution de leurs pratiques. Leur rôle ne cesse donc de se construire autour de différents domaines », indique Jean-Yves Poitrat.
