« J’ai testé pour vous : la classe inversée pour motiver mes apprenants »

Pinterest LinkedIn Tumblr +

Lorsqu’elle était professeure de français au collège, Marie Soullié faisait partie des enseignants « inverseurs ». Autrement dit : elle optait pour « la classe inversée », une pédagogie active qui permet de consacrer les temps de classe à des activités plus engageantes pour les élèves. Avec quels résultats ? Elle explique.

La classe inversée, qui consiste à inverser les temps d’apprentissage pour en finir avec les cours magistraux, se répand dans les pratiques enseignantes. Marie Soulié, ancienne professeure de français en collège, aujourd’hui formatrice et auteure de l’ouvrage Enseigner en classe inversée  (ESF, 2022), l’a pratiquée pendant plus de 10 ans. « Dans les années 2010, alors que j’enseignais encore de manière traditionnelle, je rencontrais des problèmes de plus en plus récurrents de manque d’engagement des élèves, d’absence de travail à la maison, etc. Cela devenait tellement pesant que j’en ai déduit qu’il fallait que je fasse évoluer ma posture d’enseignante. Partie de ce constat, j’ai imaginé un dispositif pédagogique de classe inversée », explique-t-elle.

Une inversion des tâches

Marie Soulié a imaginé un protocole où les tâches complexes (la mémorisation, l’échange, la collaboration) sont réalisées pendant les temps de classe. « Les tâches simples, comme par exemple visionner sur l’ENT une capsule de mise en bouche qui annonce le cours suivant, sont déportées à la maison. Ces tâches comprennent également l’écriture de la trace écrite, c’est-à-dire ce qui reste dans le cahier des élèves une fois le cours terminé », précise-t-elle. Le dispositif de l’enseignante prévoit que les capsules pédagogiques soient réalisées en amont par le professeur dans l’objectif de faire des cours des « temps d’action » pour les élèves. « Ces ressources ne doivent pas être des contenus de cours. Cela ne ferait que creuser davantage les inégalités. Construites pour éveiller la curiosité des élèves, elles doivent concerner des notions simples comme l’accord du sujet et du verbe », poursuit-elle.

Des activités collaboratives en classe

Dans le dispositif de Marie Soulié, les élèves se répartissent de façon aléatoire en petits groupes et, pendant les 5 à 10 premières minutes du cours, interagissent à propos du contenu de la vidéo. « Pendant ce temps, je m’occupe de ceux qui ont eu des difficultés à comprendre le contenu de la capsule. » Par la suite, l’ensemble de la classe se mobilise autour d’une tâche complexe, qui peut être une démarche d’investigation. « En collaboration, ils manipulent du matériel, des étiquettes pour former différents types de phrases, travaillent sur différents accords et font le lien avec ce qu’ils ont vu dans la capsule », explique-t-elle. Enfin, l’enseignante a imaginé un temps de mise en commun consistant à désigner un rapporteur de classe chargé de proposer une synthèse du cours que le professeur met par la suite en ligne. Selon elle, les résultats de ce dispositif sont tangibles : « Les élèves aiment l’émulation. Cela les incite à consulter les contenus en ligne pour ne pas être à la traîne en classe par rapport à leurs camarades. De son côté, le professeur peut dégager du temps pour s’occuper des élèves qui en ont besoin, ce qui contribue à gommer les inégalités scolaires », indique-t-elle.

Un changement de posture inévitable

Ce protocole, qui peut s’appliquer à différentes disciplines, nécessite néanmoins un changement de posture chez les enseignants. « Il implique aussi beaucoup de travail, d’une part de création de « contenus d’échauffement » que les élèves doivent consulter avant le cours, d’autre part de conception pédagogique », relève Marie Soulié. Par ailleurs, les « inverseurs » doivent être en mesure de convaincre les chefs d’établissement ou les familles qui se montreraient sceptiques. « Le changement suscite des interrogations. Ici, il y a un travail de communication à faire : il faut à la fois se préparer aux questionnements et être en mesure de présenter un argumentaire solide qui justifie ce changement de pratique. Pour ma part, ma conviction est née de mon constat d’échec de la classe traditionnelle, qui ne motivait pas mes élèves. » Enfin, les résultats ne sont pas mesurables par des indicateurs concrets. « Les paramètres à prendre en compte dans les évaluations sont très nombreux et ne sont pas uniquement axés sur la manière dont l’apprentissage a été effectué », affirme Marie Soulié.

Share.