Depuis le lancement du projet AIR grâce auquel elle a été lauréate, en 2022, de l’appel à manifestations d’intérêt Demoes, l’Université de Rennes mène plusieurs expérimentations innovantes. Parmi elles, l’usage de l’IA générative au sein d’une infrastructure souveraine. L’enjeu ? Trouver le bon compromis entre sécurité d’usage et performance. Les éclairages d’Olivier Wong, vice-président numérique.

Deux ans après son lancement, où en est le projet AIR ?

Le premier axe du projet AIR concerne la création d’un campus augmenté. Nous avons travaillé sur des solutions numériques visant à faciliter les interactions entre les étudiants, mais en ne remplaçant surtout pas les échanges de la vie réelle. Nous avons finalement capitalisé sur la solution française open source WorkAdventure. Depuis plus de deux ans, elle nous permet de déployer des démonstrateurs à l’université de Rennes 2, qui est partenaire de notre projet. Dans ce cadre, nous avons construit un espace virtuel qui permet aux enseignants de jouer différents scénarios pédagogiques. En parallèle, plusieurs cas d’usage sont apparus : accueil des publics internationaux, création de lieux d’exposition numérique, dont un mémoriel fictif qui permet aux étudiants de découvrir les ouvrages de Dr. Denis Mukwege – gynécologue et prix Nobel de la paix – sur la thématique de la violence faite aux femmes. La spécificité de ces lieux virtuels est qu’il est possible de régulièrement les reconfigurer pour imaginer de nouveaux scénarios.

Le projet prévoyait également la création d’une « digital workplace »…

Nous souhaitions en effet creuser la notion de digital workplace, qui est un endroit où les personnels et les étudiants pourraient retrouver tous les outils numériques de collaboration. Entre temps, le ministère de l’Économie a lancé un appel à projets plus large en direction des sociétés qui proposent des logiciels de ce type. Nous attendons donc que des outils collaboratifs performants émergent à l’échelle européenne. Nous avons décidé, conjointement avec l’Agence nationale de la recherche (ANR), de ne plus travailler sur ce projet à notre échelle. D’autant que notre idée était justement d’inciter les acteurs à se regrouper ensemble pour concevoir des solutions interopérables. Par conséquent, nous avons réorienté nos travaux sur un autre volet, celui de l’intelligence artificielle générative. Nous avons d’ailleurs lancé une expérimentation qui vise à prendre en main les outils d’IA générative en déployant une infrastructure souveraine maîtrisée en interne.

Que permet cette infrastructure ?

Puisque le troisième axe du projet AIR concerne la mise en place d’un écosystème de soutien aux enseignants, nous nous sommes naturellement posé la question de savoir quelle pourrait être la place de l’IA générative dans ce dispositif. Nous avons souhaité y voir plus clair et associer largement les personnels dans la réflexion. Nous avons ensuite démarré une expérimentation en proposant un outil d’IA générative qui a été mis à disposition des enseignants volontaires. Celui-ci devait tenir compte des considérations liées aux données personnelles et à l’empreinte environnementale. Nous l’avons donc bâti sur des technologies open source comme Mistral afin qu’il offre un bon compromis entre performance et consommation énergétique. Il a permis de faire émerger des cas d’usage intéressants, notamment en matière de production de scripts informatiques.

Comment se déroule cette expérimentation ?

Concrètement, les personnels ont accès à un portail via un compte personnel pour utiliser cet outil. Il ne s’agit pas d’un chatbot classique : nous utilisons la technique du RAG (retrieval augmented generation) afin que l’agent conversationnel puise des informations dans une base documentaire interne et fiable avant de produire sa réponse. Nous avons aussi déterminé des conditions d’accès à l’expérimentation : les enseignants doivent répondre à des enquêtes, participer à des ateliers pour réfléchir aux impacts, aux opportunités, aux risques d’usage… Via cette expérimentation, nous investiguons également la question du rapport au savoir. L’objectif est de voir si l’IA générative permet réellement d’aider à la préparation de cours, à la production de matériaux exploitables par les étudiants… Nous avons en tout cas identifié des potentialités, notamment autour de la transcription d’entretiens. Notre but est maintenant de réfléchir à des cadrages pour aider les collègues à développer les meilleures pratiques, dans la lignée de ce que recommande l’AI Act européen.

Quelles pratiques comptez-vous pérenniser à l’issue du projet AIR ?

Le projet prend fin en février 2026. Il est question que nous pérennisions l’usage de WorkAdventure, qui est une solution sobre du point de vue de la bande passante et du matériel à utiliser. C’est un outil que nous pourrions envisager d’intégrer dans notre offre de services et de mutualiser entre plusieurs établissements. En revanche, pour ce qui concerne l’IA, nous devons encore réfléchir à la question de la mutualisation des infrastructures entre les établissements afin qu’elles soient mieux utilisées. Le cas d’usage que nous pourrions retenir est celui de la transcription de voix en texte pour mettre en avant des travaux de recherche. Nous ne la retiendrons pas pour des activités où on pourrait rencontrer des problématiques de maîtrise des données.