Grenoble École de Management (GEM) est la première Business School à devenir une société à mission, dans le cadre de la Loi Pacte. Un changement statutaire qui va lui permettre de poursuivre ses engagements environnementaux et sociétaux, notamment sur le volet numérique. Les explications de Loick Roche, son directeur.
Comment est né l’engagement sociétal de Grenoble École de Management ?
L’un des déclics a été la grande crise de 2008 au cours de laquelle nous avons pris conscience que les grandes écoles ne pouvaient plus vivre dans leur bulle. À l’époque, nous parlions déjà de crise migratoire, de réchauffement climatique… Pourtant, le monde de l’enseignement supérieur restait encore trop absorbé par sa mission initiale : la formation, la recherche et les sciences de gestion. Cette crise a marqué une rupture : nous avons compris que notre rôle était alors de former les étudiants qui allaient devoir inventer le monde de demain, dont on ne savait rien. En 2014, nous avons donc décidé de travailler sur 5 grandes causes : l’éthique et l’intégrité, l’égalité entre les personnes, l’accès à l’éducation pour tous, la paix économique et la transition écologique. En 2015, lorsque l’ONU a défini les 17 objectifs de développement durable, nous avons trouvé pertinent de nous appuyer dessus.
Pourquoi l’école est-elle devenue une société à mission ?
La Loi Pacte de 2019, qui invite les entreprises à s’interroger sur leur raison d’être et leur mission, nous a permis d’aller plus loin. En mars dernier, nous sommes en effet devenus une société à mission et avons inscrit une raison d’être. Cela signifie que nous faisons état publiquement de notre volonté d’orienter nos actions vers la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux, en adoptant une démarche de transparence. En bref, c’est un levier qui nous oblige à suivre nos engagements. Nous allons devoir rendre des comptes à l’État, qui sera chargé d’auditer nos promesses tous les deux ans. C’est un cadre dont nous avons besoin car la tentation est grande de revenir à nos fondamentaux ! Par ce biais, nous souhaitons que GEM ait un impact positif sur la société, qu’elle devienne une école au cœur de la cité et qu’elle contribue aux débats publics.
Comment cet engagement se traduit-il ?
Depuis 2019, un comité appelé « Sustainability », composé de 75 étudiants et 75 personnels administratifs et enseignants, portent l’ambition de faire de GEM un « Business Lab for Society ». Ce collectif de travail est à l’initiative de plusieurs projets qui portent sur la neutralité carbone, le développement de la diversité sociale, l’égalité femmes/hommes, le handicap… D’ici à 2025, nous souhaitons former 100 % de nos étudiants aux grandes transitions technologiques, écologiques et sociales, via la création de nouveaux modules et certifications. À court terme, certainement d’ici la fin de l’année, nous allons également définir les nouvelles mesures de déplacement internationales. Nous savons que l’enseignement supérieur est une partie du problème environnemental et sociétal, il est donc de notre ressort de trouver une partie de la solution.
Quelles actions mettez-vous en œuvre sur le volet numérique ?
Nous souhaitons continuer la digitalisation de notre école. Pour autant, pour mener cette démarche correctement, nous devons créer un volet qui étudie les impacts du numérique sur l’environnement. C’est un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nos étudiants ont peu de connaissances. À la rentrée, nous avons organisé, avec nos élèves de première année, une session de 10 jours au cours de laquelle ils étaient répartis en petits groupes pour travailler sur les défis du numérique responsable, notamment de la 5G, des objets connectés… Notre objectif, c’était qu’ils se fassent un jugement et qu’ils se posent les bonnes questions alors qu’il n’y a pas encore de bonnes réponses. Avec cette approche, nous espérons que demain, lorsqu’ils devront prendre des décisions stratégiques en entreprise, ils passeront, en amont, au tamis de l’environnement et de l’égalité sociale.
Les étudiants adhèrent-ils à ces projets ?
Oui, notre engagement sociétal et environnemental est en parfaite adéquation avec leurs attentes mais aussi avec notre vision de l’éducation, qui a été renforcée par la crise du Covid-19 et la mise à bas de notre sentiment de toute puissance. Nos étudiants sont des instigateurs et constituent donc un levier fort pour la planète. L’entreprise va muter encore plus vite si les étudiants d’aujourd’hui sont massivement engagés en faveur de ces enjeux. Nous bousculons également nos 170 professeurs. Ce que nous leur demandons, c’est d’inclure, dans leurs cours, des éléments sur l’écologie, la diversité sociale… Nous disposons, en interne, d’une structure spécialisée dans l’ingénierie pédagogique qui est chargée de les accompagner. Pour qu’ils aient une compréhension de ce qui se joue, nous les formons et nous les encourageons à se remettre en cause.