Un projet de décret est en préparation pour réduire les niveaux de prise en charge des formations à distance, notamment dans le cadre des contrats d’apprentissage. La mesure, qui s’inscrit dans une volonté de réduire les dépenses publiques, est une catastrophe selon France Digitale et EdTech France, qui ont publié une lettre destinée au cabinet du ministère du Travail.
Les acteurs de la filière EdTech se mobilisent contre un projet de décret qui risque de fragiliser la formation à distance. Et pour cause : ce dernier entend réduire les niveaux de prise en charge des formations à distance, y compris dans le cadre des contrats d’apprentissage. L’objectif ? Diminuer les dépenses publiques et réaliser des économies budgétaires de 10 à 20 millions d’euros. EdTech France, qui regroupe plus de 400 entreprises de l’éducation et de la formation, s’oppose à ce projet de décret. Car il repose sur l’idée que la formation à distance serait « low cost ». « Si ce décret entre en vigueur, il risque de devenir une prophétie autoréalisatrice. La gravité est réelle puisque le digital learning joue un rôle social fort », estime Nicolas Montetagaud, VP Formation professionnelle chez EdTech France.
Un rôle peu compris
Les associations EdTech France et France Digitale, qui ont été reçues le 17 avril dernier par le directeur de cabinet de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, ont tenté de faire comprendre le rôle social du digital learning. « Les acteurs du distanciel proposent des rentrées tout au long de l’année grâce à un équilibre entre contenus synchrones et asynchrones. Cela n’est pas le cas des établissements en présentiel », indique-t-il. Grâce à sa souplesse, le distanciel permet également aux apprenants qui se tromperaient de voie de réorienter leur parcours sans devoir attendre le mois de septembre. « Le digital learning permet aussi de fournir aux entreprises des apprentis tout au long de l’année », souligne-t-il. Par ailleurs, le 100 % distanciel permet de former les publics éloignés ou en situation de handicap, ainsi que les apprenants qui rencontrent des contraintes de déplacement. Enfin, pour ce qui est de l’alternance, la formation à distance attire des publics qui ne se projettent pas dans des études longues. « Dans le digital learning, ils trouvent un levier concret pour obtenir un diplôme et accéder à des emplois plus stables », précise-t-il. Ce décret représente ainsi « une menace existentielle tant pour ces publics que pour les acteurs du digital learning », déplore-t-il.
Une mauvaise analyse du marché du distanciel ?
Le projet de décret repose sur une analyse globale des taux de rentabilité des organismes de formation. Or, « il nous semble pertinent d’exclure du périmètre d’analyse les établissements publics et parapublics qui bénéficient de soutiens structurels et obéissent à des logiques de fonctionnement différentes », écrivent les associations dans leur lettre à l’attention du cabinet. En présentiel, les acteurs investissent dans des locaux, des équipes pédagogiques, et atteignent la rentabilité en remplissant les classes. À l’inverse, les CFA à distance bénéficient d’une rentabilité plus immédiate. « Mais à mesure qu’ils se développent, ils doivent investir dans l’accompagnement pédagogique, la création de contenus, l’évolution technologique de leur LMS, la maintenabilité, la cybersécurité… Tout cela a un coût. Par conséquent, si la rentabilité est assez forte au départ, elle diminue invariablement par la suite », indique Nicolas Montetagaud.
« Un relent de conservatisme »
De son côté, France Compétences voit son budget amputé de 500 millions d’euros en 2025. Une coupe massive par rapport aux 20 millions d’euros d’économies attendues du décret. « Autrement dit, c’est l’épaisseur du trait. On sent aussi un relent de conservatisme, la formation en ligne étant encore associée à une simple exposition aux écrans », ajoute-t-il. De façon générale, les acteurs du secteur observent une remise en cause des dispositifs financiers de soutien à l’innovation. « Avant 2017, nous étions dans une dynamique positive de soutien à l’innovation. C’est ce qui a permis l’émergence d’un écosystème mature et présent à l’international », rappelle Yann Boulay, responsable des affaires publiques chez France Digitale. Mais le dernier budget va priver la French Tech de 3 milliards d’euros. « Sur le moyen et le long terme, ce sont des emplois qui disparaîtront, des recettes fiscales en moins, des entreprises qui feront faillite… Il devient compliqué, dans le contexte actuel, de faire valoir des arguments de fond », pointe-t-il. Malgré tout, la bataille continue. « Nous avons écrit à d’autres ministères, notamment Bercy qui joue un rôle central. Nous disposons de beaucoup d’indicateurs positifs sur les taux de réussite aux examens, le retour à l’emploi… Nous devons continuer de lutter en permanence », conclut Nicolas Montetagaud.