L’Enseignement Catholique de Lorraine est composé d’un réseau de 87 établissements, souvent de petite taille, qui mutualisent depuis 20 ans leurs moyens pour offrir à leurs élèves des enseignements plus riches. Grâce à un système révolutionnaire pour l’époque : le LOREAD (LORraine Enseignement À Distance). Le bilan de Michel Larrory, fondateur de la plateforme.
Comment avez-vous lancé le dispositif LOREAD ?
Une des spécificités des établissements de l’enseignement catholique est la petite taille de leurs effectifs. Ils ne peuvent donc pas dispenser tous les enseignements notamment des options spécifiques comme les langues vivantes. J’ai ainsi lancé LOREAD à la fin des années 1990, lorsqu’avec des collègues d’autres établissements, nous avons entamé une réflexion sur les bénéfices de l’informatisation de l’enseignement. Nous avons constaté qu’il pouvait être utile de profiter de l’apparition d’Internet pour donner la possibilité à des enseignants de notre réseau de dispenser des cours asynchrones sur une plateforme numérique. Le but était d’enrichir l’offre d’enseignement pour des élèves inscrits dans d’autres établissements. Le dispositif d’enseignement à distance a été pensé pour être intégré à la vie de l’établissement en respectant, par exemple, la forme scolaire : dispositifs numériques installés dans les salles de classe, horaires fixes, présence d’un référent jouant un rôle d’intermédiaire entre l’élève et le professeur distant, surveillance… Dès 1998, une trentaine de jeunes bénéficiaient déjà d’un enseignement à distance.
Comment a-t-il évolué au fil des années ?
Progressivement, notre projet a séduit le rectorat, qui y a vu une opportunité de mutualisation des moyens entre établissements. J’ai accompagné ce mouvement au fur et à mesure de l’évolution des technologies et des LMS Open Source. Une application simple d’utilisation et développée par l’Université Catholique de Louvain, Claroline, a été installée dans nos serveurs au début des années 2000. Cette étape nous a permis d’avancer dans notre réflexion autour de questionnements aujourd’hui très présents : stimuler les élèves à distance, penser une bonne pédagogie inversée… Lorsque cette solution a été abandonnée par l’UCL, nous nous sommes tournés vers Moodle, pour enfin adopter itslearning. Avec la réforme du lycée sur les enseignements de spécialité, nous avons enregistré une forte demande de la part des établissements de Lorraine puisque tous n’étaient pas en mesure de proposer ces spécialités. Nous avons donc réfléchi à un moyen de monter les enseignements de spécialité de première et de terminale sur la plateforme. Le but étant toujours de permettre aux plus petits établissements de continuer à exister.
Quel a été l’impact de la crise du Covid-19 sur ce réseau ?
Dès 2016, les enseignants et les élèves de mon établissement étaient déjà équipés d’appareils personnels, fournis dans le cadre du projet « Lycée 4.0 » porté par la Région Grand-Est. Les professeurs étaient déjà sensibilisés et formés à l’amélioration de l’aménagement spatial des salles de classe traditionnelles ainsi qu’à l’utilisation du numérique pour enrichir l’apprentissage en présentiel. Avant mars 2020, nos enseignements étaient déjà hybridés : ils intégraient des outils collaboratifs, des écrans interactifs… Lorsque les confinements ont été imposés, chacun des élèves et des enseignants avait donc un bon niveau d’autonomie pour rester engagé dans l’enseignement à distance. Par ailleurs, notre plateforme hébergeait déjà des outils comme Zoom, Teams, Padlet…
Quel bilan tirez-vous de ces 20 ans de déploiement de LOREAD ?
L’enseignement à distance intégré à un établissement a apporté des bénéfices. J’ai rarement observé des cas de décrochage scolaire. Au contraire, les équipes d’enseignants ont trouvé que la distance, paradoxalement, rendait les relations plus intimes avec leurs élèves : l’utilisation des systèmes de messagerie a favorisé les liens en one-to-one. Dans leurs mails, les élèves posent plus de questions qu’en présentiel, révèlent plus facilement leurs inquiétudes… Par ailleurs, la pédagogie inversée à distance fait mieux produire l’élève puisque l’asynchrone exige une implication forte de sa part : exercices à réaliser, comptes-rendus à envoyer…
Comment l’enseignement à distance peut-il être amélioré aujourd’hui ?
Nous voyons déjà émerger des produits étonnants et des outils plus fins répondant à des demandes particulières. Je pense que c’est surtout autour du renforcement du collaboratif que les EdTech sont attendues, à l’instar de ce que réalise le réseau d’éducation Framasoft, qui développe des alternatives en Open Source aux solutions de Google. Au sein de notre réseau, les enseignants ont été ravis de pouvoir différencier leur pédagogie grâce à itslearning. La solution permet en effet aux élèves de choisir le format des travaux à rendre (audio, vidéo, écrit…) sans devoir faire usage d’outils externes. Cette fonctionnalité ne répond pas à toutes les problématiques, mais elle a le mérite de valoriser l’oralité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les professeurs de langues ont été les premiers à investir massivement les nouvelles technologies pour renouveler leurs approches pédagogiques. Cette appétence montre à quel point peuvent être bénéfiques les outils permettant de diversifier les moyens de valoriser les compétences.