Depuis le début de la crise du Covid-19, les étudiants manifestent un état de fragilisation voire de déprime, en raison de la distance imposée par les confinements successifs. Comment préserver leur équilibre psychologique alors que les enseignements se déroulent encore en visioconférence ? Nos conseils pour les accompagner à traverser cette épreuve difficile.
Rappeler les horaires de travail adaptés
Une enquête menée en novembre 2020 auprès de 674 étudiants du département de psychologie de l’Université Grenoble-Alpes a révélé que le rythme et les conditions de travail étaient déterminants pour la santé mentale des étudiants. « Ceux qui sont restés motivés se sont imposés des heures régulières de travail », écrit, en commentant cette enquête, Christine Cannard, docteur en Psychologie du développement, de l’enfant et de l’adolescent et enseignante à l’Université Grenoble-Alpes. S’il est difficile de contraindre un étudiant à adopter un rythme régulier de sommeil, les professeurs peuvent en revanche proposer un accompagnement qui puisse lui éviter de devoir travailler à des horaires inadaptés, ne serait-ce qu’un court atelier de sensibilisation.
Cultiver l’esprit de groupe
Le besoin d’appartenance à un groupe social (famille, amis, association…), et d’y être reconnu est une source de satisfaction pour les étudiants. À distance, il est possible d’y répondre par une utilisation « détournée » des plateformes d’enseignement, par exemple en animant des discussions informelles qui auraient pour objet un thème non inclus dans le programme universitaire. Celles-ci permettent aux étudiants de se décharger des tensions accumulées lors des moments de solitude. Les enseignants ont leur rôle à jouer. « Dans mon emploi du temps, je prévois environ une demi-heure d’échanges avec mes élèves, avant le début de chaque cours à distance », explique Sophie Guichard, professeur agrégée en mathématiques au lycée Édouard-Branly de Lyon. Puisque les relations interpersonnelles sont à privilégier dans l’apprentissage, l’usage des fonctionnalités qui permettent les échanges de groupe ou la division des classes en sous-groupes est également à privilégier.
Orienter les étudiants vers les BAPU
Pour accompagner les étudiants les plus fragiles, les enseignants peuvent les encourager à confier leurs inquiétudes à des spécialistes. Même s’ils n’existent pas dans toutes les villes, les bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU) constituent une aide précieuse. Ils regroupent des équipes de psychiatres et de psychologues. Les établissements de l’enseignement supérieur étant démunis face à la détresse des étudiants*, le tissu associatif s’active. Nightline, service d’écoute fondé en 2017 et « géré par des étudiants pour les étudiants », propose une aide qui se matérialise par la technique de l’écoute active. Le service, qui est proposé par téléphone ou par tchat, est assuré par des étudiants bénévoles formés à cette pratique. Son porte-parole, Léo Picat, explique que si « Nightline n’a pas vocation à être un service de soins, l’écoute active qu’elle propose peut se révéler utile à l’étudiant qui peut parvenir à trouver lui-même des débuts de réponses à ses questionnements ».
Agir sur tous les facteurs de détresse
Si plusieurs études ont montré que le confinement a induit une aggravation de l’état anxieux des étudiants, leur santé psychique était déjà en déclin bien avant la crise. « En 2019, 22 % des étudiants avaient eu des idées suicidaires au cours des 12 mois précédents », alerte Léo Picat. La crise du Covid-19 n’a donc fait que cristalliser davantage un phénomène déjà ancré dans le monde étudiant français s. Les troubles psychologiques qui affectent les étudiants sont avant tout multifactoriels. Selon Léo Picat, il ne faut donc pas perdre de vue que l’isolement physique imposé par la crise sanitaire n’a fait que se mettre en corrélation avec « la précarité économique, les inquiétudes induites par la perspective d’un avenir incertain et les problématiques que peut parfois poser le passage à la vie adulte ».
*Selon une étude de l’association Nightline, un seul psychologue est disponible pour 30 000 étudiants en France, un taux très éloigné du standard international fixé par l’Association internationale des services de santé mentale universitaire (IACS), qui recommande de viser un psychologue équivalent temps plein pour 1500 étudiants.