Parce qu’elles font face à de multiples transformations, les institutions ont de plus en plus besoin de l’expertise des ingénieurs pédagogiques. Le métier de ces derniers ne cessera donc d’évoluer au gré de l’évolution des pratiques induites par le digital et la nécessité de transformer les manières d’apprendre et d’enseigner. Voici les 5 piliers de l’avenir de ce métier.
L’approche par compétences
Au sein des établissements, l’avenir des métiers d’appui à la pédagogie, en particulier celui des ingénieurs pédagogiques, s’articule autour de trois dimensions : l’évolution de la demande des enseignants, la reconnaissance de l’utilité de leurs apports et les moyens que les établissements sont prêts à déployer pour faire évoluer leurs pratiques. Or, selon Jean-Yves Poitrat, responsable du service pédagogie de l’Université Lumière Lyon 2, ces éléments concerneront en particulier la mise en place de l’approche par compétences (APC), qui devra par conséquent être au centre de l’expertise des ingénieurs pédagogiques ces prochaines années. « On sait qu’ils seront sollicités pour accompagner la transformation des enseignements. Au sein de la plupart des établissements, celle-ci se structurera surtout autour de l’approche par compétences. Nous les solliciterons de plus en plus pour améliorer la conception de nos maquettes de formation. » Concrètement, l’ingénieur pédagogique aidera à reformuler les référentiels de formation en compétences que les étudiants doivent avoir acquises à l’issue de la formation. « Il devra être en mesure de construire un chemin qui va de notre système actuel à un système orienté APC », résume-t-il.
La maîtrise de l’IA et de ses évolutions
« Ma conviction est que l’enseignement supérieur est en plein virage. Or, nous ne voyons pas encore le bout de ce virage. Ce qu’on constate, c’est que le numérique prend une place de plus en plus importante et qu’il transforme le rapport au savoir », ajoute-t-il. Autrement dit, l’évolution du métier d’ingénieur pédagogique sera fortement liée à celle des nouvelles technologies qui, parce qu’elles ne sont pas maîtrisées, engendrent déjà une forte demande d’accompagnement de la part des institutions et des enseignants. « Ces besoins concerneront surtout les enjeux de l’intelligence artificielle. Actuellement, des outils comme ChatGPT suscitent des questionnements. Demain, l’apparition d’autres outils en suscitera davantage », assure-t-il.
Des partenaires clé pour les établissements
Les ingénieurs pédagogiques devront accompagner voire prendre en charge le virage technologique des institutions. C’est en tout cas la certitude d’Olivier Lamirault, directeur Innovation et Technologies éducatives à l’EM Normandie : « Les établissements sont dans des démarches systémiques de digitalisation des formations, ce qui veut dire qu’ils ont besoin de compétences pour les accomplir. Dans ce cadre, l’ingénieur pédagogique doit être leur partenaire. S’il ne se familiarise pas avec les technologies de notre environnement – IA, machine learning… – il aura du mal à travailler. » Pour lui, la culture des sciences de l’éducation, des neurosciences et de la neuro-pédagogie devra également nourrir leurs futures compétences. Celles-ci seront de plus en plus transversales. Selon Virginie Hachard, doyenne déléguée de la Faculté de l’EM Normandie, « elles sont aux confluents des connaissances développées par les sciences de l’éducation et des innovations technologiques, qui sont nécessaires pour appuyer les stratégies de transformation des établissements ».
Un travail d’équipe renforcé
Les ingénieurs pédagogiques qui travaillent en entreprise doivent « sortir de leur bulle », affirme Delphine Froid, ingénieure pédagogique en freelance. Pour elle, le responsable de la formation ne doit pas être leur seul interlocuteur. Ils doivent se rapprocher des apprenants en particulier pour analyser en profondeur leurs besoins et identifier les problématiques métier.« Nous ne le faisons pas assez en France. Pourtant, la manière dont on s’y prend importe peu. Il faut simplement s’assurer, une fois le besoin en formation identifié, que les apprenants sont inclus dans le projet de création de la formation. À l’avenir, je pense que des groupes d’apprenants pourront être partie prenante de la réalisation du prototype de formation avant qu’il ne soit diffusé à plus large échelle au sein de l’entreprise », explique-t-elle. Par ailleurs, ils doivent s’intéresser plus en profondeur à la stratégie globale de l’entreprise en matière d’ingénierie de la formation et de RH. « Nous devons comprendre l’écosystème global dans lequel nous agissons. Cela nécessite à la fois de bien connaître le secteur économique de l’entreprise et de se questionner sur la manière dont le service que nous proposons est en corrélation avec la stratégie globale de l’entreprise », souligne-t-elle.
Maîtriser le numérique écologique
Enfin, les ingénieurs pédagogiques sont appelés à développer des compétences d’éco-conception de la formation. Il s’agit de maîtriser les enjeux de la sobriété numérique, donc de questionner l’impact des outils et des formats des contenus pédagogiques. « Par exemple, en plus de se demander si le format vidéo a un véritable apport pédagogique, l’ingénieur pédagogique doit savoir optimiser les contenus vidéo, par exemple en en réduisant le poids et la pollution numérique », conclut Delphine Froid.