Les outils basés sur l’intelligence artificielle qui permettant de générer des contenus et de personnaliser les parcours d’apprentissage vont potentiellement bouleverser le secteur de la formation professionnelle. Pour autant, cela ne signifie pas que les formateurs seront marginalisés. Éclairages d’experts.
Les acteurs de la sphère de la formation se trouvent dans un rapport entre mythe et réalité avec l’intelligence artificielle. Suscitant souvent de la peur, celle-ci fait également l’objet d’une forte appétence et d’interrogations depuis que ChatGPT s’est positionné en révélateur des potentialités de l’IA. Une chose est sûre, l’IA va pouvoir répondre à plusieurs enjeux qui se posent dans le secteur de la formation. « D’abord, elle s’inscrit dans un mouvement accéléré de digitalisation de la formation. Elle se révèle également utile dans la mesure et la validation des compétences. En parallèle, l’IA est un outil d’individualisation des parcours, qui peuvent devenir adaptables en cours de route en fonction des besoins de l’apprenant. Elle sera ainsi au centre des évolutions numériques et technologiques qui peuvent survenir au sein du secteur », a expliqué, dans le cadre d’un webinaire, Claire Pascal, directrice générale de Comundi.
Un outil incontournable de production de contenus
En pédagogie, le premier usage de l’IA concerne la production de contenus par le formateur ou l’organisme de formation. « On sait que les outils IA peuvent générer des quizz de validation des acquis. Mais ils vont maintenant beaucoup plus loin : ils peuvent fournir des programmes de formation, des supports de cours, des déroulés pédagogiques à diffuser sur une plateforme de e-learning, des vidéos, des serious games, des méthodes d’apprentissage innovantes… De leur côté, les apprenants peuvent bénéficier de contenus hautement personnalisés », Romain Rissoan, consultant formateur en digitalisation des entreprises. Par exemple, un formateur en gestion des conflits peut recourir à ChatGPT pour programmer un robot jouant le rôle d’un client insatisfait. L’exercice permet à l’apprenant de mobiliser des compétences en vue de « désamorcer » l’interlocuteur par voie textuelle. « Il s’agit là d’un double usage de l’IA : celui de production de contenus pour la pédagogue et d’individualisation du parcours de formation pour l’apprenant puisque l’IA lui fait des retours en fonction de ses lacunes », souligne-t-il.
Une pléthore d’outils
Il existe plusieurs outils à intégrer au sein de ChatGPT pour rendre son usage encore plus pertinent en formation. La base de données de ChatGPT 4 n’ayant pas été actualisée depuis 2021, il est possible d’y intégrer un outil permettant de générer des réponses actualisées. « Le plugin « Web Requests » permet à ChatGPT d’accéder à des données très récentes », précise Romain Rissoan. Toujours sur ChatGPT, l’outil « Master Mentor » permet de créer des contenus pédagogiques exportables en format PDF, docx… « Enfin, une autre extension, AI Agent, permet à ChatGPT d’interagir avec plusieurs agents d’IA via des API externes pour gagner en performance. »
Quels défis à venir pour les formateurs ?
Mais l’enjeu de la formation ne se limite pas à l’apprentissage. Les apprenants ont également besoin de se nourrir d’une dynamique de groupe et de vivre une expérience. Or, l’individualisation des apprentissages risque de bouleverser cette harmonie. « Le défi à relever pour les formateurs est de composer avec ces technologies qui laissent seuls les apprenants face à leur cursus d’apprentissage. L’enjeu est de retrouver la dimension expérientielle face à une démarche d’individualisation », explique Romain Rissoan. Dans ce cadre, le rôle du formateur sera à la fois plus complexe et plus précieux puisqu’il devra créer des dynamiques collectives autour d’apprentissages individuels. « Il aura des choses à inventer : des confrontations d’expériences, des moyens de créer du commun, d’insuffler une motivation collective qui se nourrirait de toutes ces expériences individuelles », souligne Claire Pascal. Un des rôles majeurs qu’il va devoir jouer est celui de découvreur d’outils pédagogiques par le biais d’un important travail de veille. D’autre part, pour bien utiliser l’IA en tant que pédagogue ou responsable de développement de compétences, il faut savoir la contrôler puisqu’elle peut intégrer des biais ou des contenus basés sur des idées préconçues. « Par conséquent, les formateurs doivent développer des capacités de relecture et d’analyse des contenus proposés. Ils doivent, enfin, être en mesure de bien interroger l’IA, en rédigeant notamment les requêtes les plus précises possible », conclut-elle.