Tribune : Quels changements pour l’EdTech en 2022 ? Par Marie-Christine Levet (Educapital)

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L’année dernière, en dressant le bilan de l’année 2020, nous annoncions une année 2021 pleine de promesses. 2021 aura été au-delà de toutes les attentes.

La crise de la Covid-19 a rebattu en profondeur les cartes pour le secteur de l’Edtech, faisant rentrer les produits et services Edtech dans le quotidien de plus de 1,7 milliards de personnes dans le monde. Ce saut quantitatif a accéléré de 5 à 10 ans l’adoption de nouveaux usages et le déploiement de nouveaux outils. Les analystes prévoient un marché Edtech de 500 milliards de dollars en 2025 contre 375 milliards pré-Covid.

Cette adoption généralisée de l’Edtech pour le monde de l’éducation et celui du travail s’est traduite par une croissance rapide en 2020 des montants levés par les entreprises du secteur, atteignant le record de 16 milliards de dollars (contre 7 milliards à peine en 2019). L’on pouvait légitimement se demander si l’année 2020 était une année atypique compte tenu des périodes de confinement prolongées, de fermeture des écoles et de télétravail intensif dans la plupart des pays. Or, 2021 a encore dépassé toutes les attentes.

Plus de 20Md$ levés en 2021, dont 3Md$ en Europe

 L’année 2021 bat un record avec plus de 20 milliards de dollars investis dans l’Edtech soit 25 % de plus qu’en 2020. Si le montant en lui-même est remarquable, la distribution de celui-ci l’est plus encore : là où en 2020, la Chine attirait près de 60 % des fonds levés par des Edtech, les start-up chinoises multipliant les méga-tours (plus de 100M$), en 2021, les montants sont bien plus également répartis.

Cette nouvelle dynamique mondiale est le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs.

En Chine, où le gouvernement a imposé de très fortes restrictions sur le secteur, le montant des investissements a drastiquement baissé (-73 %). À cet effondrement chinois a répondu l’essor de l’Inde, qui s’est imposée comme un nouveau hub de l’edTech mondiale – 3 licornes y ont vu le jour en un an et près de 4Md$ ont été levés par des entreprises du futur de l’éducation. Les États-Unis ont quant à eux conforté leur place de leader mondial de l’Edtech avec plus de 8 milliards levés, 10 nouvelles licornes et 5 introductions en bourse des sociétés emblématiques    de l’Edtech dont Coursera et Duolingo .

2021 fut une année exceptionnelle pour l’Edtech européenne, avec plus de 3mds$ levés, soit trois fois plus qu’avant la crise du Covid et l’apparition de category leaders, dont la première licorne GoStudent, plateforme de tutorat en ligne, ou encore 360Learning, accompagnée par Educapital qui a levé 200M$ pour s’imposer comme le leader mondial du collaborative corporate learning. En France en particulier, la formation continue et professionnelle a confirmé son envol, portée par la réforme du Compte Professionnel de Formation (CPF).

Un potentiel de croissance très important en 2022

Tous les segments de l’Edtech ont bénéficié de cet essor du marché ; c’est un élément de preuve de la nature durable d’une dynamique porteuse pour le secteur. Le segment de la formation professionnelle, du « Future of Work » et de la formation continue attirent la plus large part des investissements avec respectivement 43 % et 22 % des montants levés contre 19 % pour Pre-K/K12 et 16 % pour l’enseignement supérieur.

Le monde du travail vit une profonde transformation : les modes de travail ont été bouleversés de manière irrémédiable par la généralisation du remote/hybrid working, qui transforme les liens interpersonnels et peut modifier la perception qu’ont les salariés de leur rôle dans l’entreprise. Par ailleurs, les sociétés doivent faire monter en compétence des pans entiers de leur organisation. Elles ont besoin de répondre très vite aux exigences de qualité qui augmentent partout, alors que l’innovation et la différenciation sont des nécessités vitales. Cela nécessite des efforts importants de formation et un réel engagement des salariés. Le « Future of Work » est devenu une thématique clé d’investissement pour Educapital, à l’instar de ce que nous avons réalisé dans Supermood qui propose un outil de pilotage de l’engagement des collaborateurs, ou encore de Simundia qui démocratise le coaching pour le  middle-management.

 2022, une année de changements ?

Après ces années de croissance forte, nous sommes convaincues que l’Edtech, mondiale en général mais européenne en particulier, n’en est qu’au début de son histoire. Notre mission, en 2022 et au-delà, sera d’aider nos entreprises à passer à l’échelle. Des leaders forts et des filières de jeunes entreprises françaises et européennes solides, seront les meilleurs vecteurs de nos valeurs, de notre culture et de notre vision singulière du monde,

face aux géants industriels asiatiques et américains, qui n’ont pas le même respect des droits et données des personnes, et qui n’ont pas la même perception de la liberté critique que nous.

Notre mission en 2022, année d’élection présidentielle en France, sera aussi d’aider au développement d’entreprises qui veulent pouvoir répondre à des besoins réels et criants ici et maintenant, mais qui devront pourtant souvent exporter leurs compétences vers l’international, faute d’intérêt d’une structure décisionnaire française bien trop centralisée.

Notre mission en 2022, année d’élections présidentielles en France, sera d’aider de jeunes entreprises à affronter les Gafam qui, elles, sont déjà massivement autorisées dans les salles de classe.

Notre mission en 2022, année d’élections présidentielles en France, sans qu’aucun programme politique ne s’intéresse sérieusement à l’éducation de demain, sera d’être attentif aux innovations qui permettront de réduire les fractures sociales pour ce qui est des apprentissages. Notre mission sera aussi d’être un soutien efficace aux nouvelles entrepreneuses, comme nous le faisons depuis 5 ans.

En souhaitant qu’une politique du numérique éducatif, axée sur l’innovation pédagogique et la formation des professeurs occupe la position qui lui revient dans les programmes sur l’éducation des candidats à l’élection présidentielle.

A propos de l’autrice

Marie-Christine Levet est la fondatrice d’Educapital, premier fonds d’investissement européen dédié au secteur de l’éducation et de la formation innovante. Figure pionnière de l’Internet en France, elle dispose de plus de 20 années d’expérience professionnelle dans le secteur des nouvelles technologies tout d’abord en tant qu’entrepreneur puisqu’elle a fondé ou dirigé plusieurs grandes marques du web français (Lycos, Club-Internet, Groupe Tests), puis en tant qu’investisseur en participant à la création de Jaina Capital. Elle est diplômée d’HEC et titulaire d’un MBA de l’INSEAD.

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