Hyperconnectés aux réseaux sociaux, les jeunes sont soumis à des contenus parfois violents et à une masse importante de fausses informations. Dans ce cadre, tous les acteurs de l’éducation (parents, éducateurs, EdTech…) ont un rôle à jouer pour à la fois accompagner les usages et développer les compétences informationnelles des jeunes. Éclairages.
C’est un fait : les préadolescents sont surexposés aux réseaux sociaux ainsi qu’à des contenus potentiellement dangereux. Pour répondre à cette problématique, la loi du 7 juillet 2003, qui fixe la majorité numérique à 15 ans, appelle à ce que les fournisseurs de services et de réseaux sociaux en ligne refusent l’inscription des mineurs de 15 ans sauf en cas d’autorisation parentale. Problème : elle est difficilement applicable. « Les réseaux sociaux sont des acteurs extra-européens. Ils ne peuvent et ne veulent pas appliquer des lois nationales dans chaque territoire parce qu’ils considèrent que ce serait trop compliqué, dans la mesure où chaque pays a sa culture, son cadre législatif », a expliqué Bénédicte Lesage, membre du collège de l’Arcom, chargée de l’éducation aux médias, à l’information et à la citoyenneté numérique, dans le cadre d’une table ronde organisée lors du salon Educatech Expo.
Un arsenal juridique à faire connaître
Toutefois, le règlement européen sur les services numériques (DSA) mis en place en 2023 (qui a donné, dans un contexte d’élections, la priorité à la lutte contre la désinformation et au harcèlement en ligne) ou encore la loi Studer de 2022, donnent un pouvoir de lutte contre les risques systémiques liés à l’usage des plateformes. La France dispose ainsi d’un arsenal juridique dédié. Toutefois, ce dernier doit être accompagné de dispositifs de communication pour assurer l’appropriation des lois par les jeunes et les adultes qui les entourent. « Nous avons conçu un jeu de cartes qui permet d’aborder les différentes problématiques sur la protection de la vie privée et d’ouvrir le dialogue entre tous les joueurs, peu importe leur âge », indique Jennifer Elbaz, chargée de mission éducation à la Cnil. Le rapport du Conseil national du numérique sur l’économie d’attention (2022) mentionnait, quant à lui, que de nouveaux droits devaient être débattus, comme celui d’être informé sur les dispositifs de captation de l’attention
Un « besoin massif » d’éducation
Outre l’appropriation des lois, les jeunes doivent développer un recul critique sur leurs propres usages. Depuis plus de 15 ans, différents intervenants scolaires (conseillers numériques, médiateurs numériques, enseignants…) sensibilisent les jeunes sur les pratiques numériques. Le programme « Internet sans crainte », opéré par l’EdTech Tralalere, propose par exemple des centaines de ressources gratuites et des conseils pratiques pour accompagner les jeunes de 6 à 18 ans, leurs parents et les enseignants dans leur vie numérique. « Ce programme a touché, l’année dernière, plus d’un million de jeunes. Toutefois, il existe encore des besoins massifs d’éducation. Mais une chose est sûre : plus ils sont âgés, plus les jeunes ont tendance à développer leur propre stratégie de régulation des usages », assure Déborah Elalouf-Lewiner, vice-présidente d’EdTech France.
Des réflexes de protection chez les jeunes
Même constat formulé par la Cnil, qui mène des travaux au travers de son laboratoire le Linc (dont la mission est d’informer sur les tendances émergentes d’usage du numérique et des données). « Ces travaux nous font observer un défaut d’information général, malgré l’existence de réflexes de protection chez les enfants, qui utilisent des pseudonymes sur Internet par exemple », affirme Jennifer Elbaz. La commission s’est ainsi engagée dans la production de ressources, notamment en lien avec l’association Futur Composé, pour les médiateurs. « Ces ressources seront mises à la disposition de tous les médiateurs, des enseignants et des parents et des jeunes en 2025. Elles comprendront notamment des fiches sur la cybersécurité et l’éducation aux médias et à l’information », ajoute-t-elle.
Ne pas diaboliser les réseaux sociaux
À l’heure du numérique, ce sont aussi les compétences psychosociales qu’il faut développer chez les jeunes. « Plusieurs structures y travaillent comme Zamizen, Soft Kids, ou encore Lili.cool. Leur volonté est de développer l’empathie et d’autres compétences psychosociales à l’école. Cela nous semble être un complément indispensable à l’éducation aux médias », souligne Déborah Elalouf-Lewiner. Enfin, si l’accompagnement des usages doit susciter des réflexions critiques sur les réseaux sociaux, ces derniers ne doivent pas pour autant être diabolisés. « Les jeunes ont besoin de disposer d’espaces où les adultes n’interviennent pas », estime Bénédicte Lesage. Par conséquent, c’est le développement des compétences cognitives, permettant par exemple de comprendre le fonctionnement des algorithmes, qui doit rester au centre de l’éducation aux médias.