Avec son projet « AI Assistant », SKEMA Business School remporte le prix 2025 « Innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur » des Trophées du Digital Learning, décernés dans le cadre du salon Innovative Learning. Le projet est actuellement déployé auprès de 700 étudiants. Les éclairages de Nathalie Hector, directrice de l’Innovation & Learner Experience.
Dans quel cadre avez-vous développé votre projet « AI Assistant » ?
Comme toutes les écoles, nous avons, dès l’apparition de ChatGPT, mis en place une logique de « test & learn » au sein de ma direction Innovation & Learner Experience. Nous l’avons d’abord fait pour répondre à une attente forte des étudiants, qui souhaitent développer une maîtrise d’usage d’ici à leur sortie de l’école mais également mieux réviser. Avec son centre en innovation en intelligence artificielle basé à Montréal, SKEMA a ainsi entamé une réflexion et mis en place, dans ses programmes de formation, des modules entièrement dédiés à l’IA, qui vont de l’acculturation générale jusqu’à des cours très spécialisés. En parallèle, nous avons aussi écrit une charte du bon usage de l’IA dans un cadre pédagogique ainsi qu’un référentiel de compétences transversales en IA. C’est dans ce cadre que nous avons animé des focus group avec des étudiants afin de mieux cerner leurs besoins. Ces réflexions ont mené à la mise en place de la première composante de ce projet.
En quoi consiste-t-elle ?
Le premier bloc, qui est en cours de déploiement, a pour principe de mettre l’étudiant au contact d’une IA personnalisée jouant le rôle d’assistant. Si nous avons entamé ce projet avec le développement du « Learning Tutor », c’est parce qu’il concerne la partie pédagogique, qui est la plus lourde. Nous y avons intégré les contenus des cours de l’école en géopolitique. Il est actuellement déployé auprès des étudiants en L3 du Programme Grande École (PGE). Nous sommes partis du constat que les étudiants qui arrivent ont des niveaux hétérogènes et doivent être accompagnés dans leurs apprentissages. Le cours de géopolitique étant particulièrement riche en supports, il nous a paru naturel de l’agrémenter d’un coach. Concrètement, l’IA génère des résumés sur la base d’éléments du cours, prépare des quiz individualisés selon le niveau de finesse des prompts écrits par l’élève, propose des plans de révision. L’outil a prouvé son utilité pour aider les élèves à mieux réussir leurs examens.
Comment avez-vous construit cette IA générative ?
Contrairement à ChatGPT, le Learning Tutor est un environnement fermé. Il puise exclusivement dans les contenus déposés par les professeurs puisque nous l’avons connecté à notre Moodle. Cela nous permet d’être sûrs du cadrage de l’information et d’éviter d’éventuelles hallucinations. Par ailleurs, le modèle de langage est structuré de manière à proposer des résumés de cours sous forme d’introduction, d’une réponse en trois temps, puis d’une question invitant l’élève à entamer une réflexion plus poussée. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’un sujet théorique, l’idée est d’amener l’étudiant à se poser la question de savoir quelle décision il aurait prise s’il exerçait dans un champ d’activité professionnelle donné. C’est un point essentiel car l’objectif n’est pas de s’enfermer dans un usage statique basé sur la rapidité du dialogue mais d’encourager l’élève à s’approprier la réponse dans la posture concrète d’un manager, par exemple.
Quels sont vos premiers retours d’usage ?
En 2023 déjà, ce tuteur avait été déployé auprès d’une cohorte de 170 élèves. Durant l’année en cours, 720 étudiants l’ont utilisé. Jusqu’ici, 4000 questions ont été posées par les étudiants et 1900 résumés ont été demandés. Sur la deuxième partie de l’année 2025, notre objectif est d’ouvrir l’outil à 2000 étudiants du PGE, en Licence 3 et Master 1, investis non plus dans un cours de géopolitique, mais dans un parcours complet de géopolitique sur les deux années. L’enquête que nous avons réalisée auprès de nos étudiants a révélé que pour 73 % d’entre eux, l’outil a renforcé leur apprentissage. 88 % souhaitent que la démarche puisse s’étendre à d’autres cours. Par ailleurs, nous constatons deux pics d’utilisation : lors de l’ouverture du cours et durant les phases préparatoires aux examens. Enfin, l’IA incite les enseignants à partager davantage de données, que les étudiants peuvent exploiter lorsqu’ils révisent sur Moodle.
Quelles sont les futures étapes de votre projet ?
S’agissant du tuteur, nous allons l’étendre à d’autres champs disciplinaires et à d’autres profils d’étudiants que ceux du PGE. Nous développons également un « Career Coach », une IA d’aide à la rédaction de CV, de lettres de motivation et à la préparation d’entretiens. Ce coach sera en phase de « test & learn » à la mi-avril. L’année prochaine, d’autres solutions verront le jour, comme « Business Mentor », un outil destiné aux étudiants entrepreneurs pour s’entraîner à pitcher des projets, et « Program Advisor », qui aura pour but d’aider les étudiants à faire les bons choix de parcours en fonction de leurs ambitions professionnelles.