Une « boîte à outils de la ludopédagogie » pour les enseignants

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Introduire le mécanisme du jeu dans les pratiques pédagogiques. C’est l’approche que défend Anne-Claire Prévost, formatrice et consultante en ingénierie pédagogique, dans son ouvrage « La boîte à outils de la ludopédagogie », co-écrit avec Xavier Delengaigne, formateur et conférencier.

Pourquoi avez-vous publié un ouvrage sur la ludopédagogie ?

Le mot « ludique », tout en étant puissant, souffre d’une connotation péjorative en France, où il est souvent associé au « frivole ». Pourtant, les neurosciences nous apprennent que le fait d’avoir recours aux émotions et à la notion de plaisir contribue à renforcer l’apprentissage. Dans cette optique, le jeu permet de stimuler à la fois les émotions et les acquis, tout en proposant une expérience d’apprentissage différente. C’est la raison pour laquelle j’appelle, en tant que formatrice, à mettre en place la ludopédagogie, c’est-à-dire l’utilisation des mécanismes du jeu au service de la transmission de connaissances. L’ouvrage a pour but d’accompagner les acteurs dans le recours au challenge et aux activités à dimension ludique, que ce soit dans la sphère scolaire ou dans le monde de la formation. Il s’adresse aux formateurs d’adultes, aux enseignants de l’éducation nationale, aux créateurs d’ateliers d’intelligence collective… Car le jeu s’adapte à tout contexte de transmission de savoirs.

Concrètement, comment peut-on introduire le jeu dans l’apprentissage ?

Lorsqu’on séquence une séance d’enseignement, il est possible de mobiliser des activités ludiques à tout moment (au début, au milieu ou à la fin de la séance). L’essentiel est que l’approche réponde à un objectif pédagogique identifié et qu’elle soit déployée à un moment où l’attention redescend (par exemple au retour de la pause déjeuner). Il est également possible de déployer la ludopédagogie pour favoriser le travail en petits groupes, notamment en organisant des challenges par équipe. En cours de français, ce challenge pourrait consister à intégrer une liste de mots dans des phrases. L’équipe gagnante serait celle qui aura réussi à utiliser le plus de mots de la liste. Il ne s’agit donc pas nécessairement de déployer un jeu physique, mais d’adopter un mécanisme d’apprentissage à dimension ludique.

Dans votre ouvrage, préconisez-vous des jeux en particulier ?

L’ouvrage contient des fiches pratiques correspondant chacune à une activité ludopédagogique que l’on peut intégrer en classe ou en formation. Certaines présentent des jeux, d’autres des activités ludiques s’appuyant sur l’art visuel par exemple. Parmi ceux que nous préconisons figure le jeu télévisé Jeopardy. À partir de réponses appelées indices, les candidats doivent retrouver la question correspondante. L’intérêt de ce jeu réside justement dans ce détournement, qui permet de réactiver des connaissances. Il engage un type d’effort intellectuel différent, qui facilite la création de liens mnésiques dans le cerveau. Nos fiches pratiques ont trouvé un bon écho dans le monde de la formation professionnelle en raison de leur aspect concret : nous indiquons les règles des différents jeux, le temps à leur consacrer, des conseils pour les animer…  D’autre part, plusieurs jeux peuvent être pratiqués en distanciel pour animer des classes virtuelles. Des outils de quiz comme Kahoot ! ou Wooclap permettent de favoriser la participation active des apprenants. Il existe également des outils digitaux pour créer des jeux de mots mêlés, de mots croisés, de puzzles à recomposer.

Quels conseils donneriez-vous aux enseignants encore réticents à adopter le jeu en classe ?

Il est important d’avoir établi en amont un climat de confiance en classe afin que le jeu ne soit pas associé à une logique de compétition, qui peut générer de l’inhibition chez certains élèves. Plutôt que de commencer avec des challenges, je conseille de proposer dans un premier temps des activités coopératives de manière à créer une dynamique bienveillante. Une fois que le groupe est en sécurité émotionnelle, la notion de challenge peut être intégrée. Il est également important de comprendre que le jeu n’est pas un gadget, mais un outil qui se met au service de la pédagogie au même titre qu’une étude de cas ou une mise en situation. Enfin, pour les enseignants qui n’auraient pas suffisamment de temps pour préparer des séquences de cours ludiques, il est possible de démarrer avec des jeux simples, par exemple le jeu de cartes « Memory ». Facile à mettre en place, il permet par exemple de traduire des mots, d’associer des dates à des faits historiques…

 

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