En février 2022, Réseau Canopé a annoncé qu’il devenait totalement dédié à la formation tout au long de la vie des enseignants. Pour sa directrice générale, Marie-Caroline Missir, sa nouvelle mission est d’autant plus importante que l’accompagnement des enseignants conditionne l’amélioration du système éducatif, y compris sur le volet numérique. Entretien.
Comment Réseau Canopé va-t-il évoluer ?
Réseau Canopé est désormais entièrement consacré à la formation tout au long de la vie des enseignants, dès leur sortie des INSPÉ. Dans cette démarche, leur formation au numérique et par le numérique sera primordiale. Nous profitons de notre maillage territorial en métropole et en Outre-mer pour décliner l’ensemble des politiques publiques en matière d’éducation. Via nos ateliers, qui sont des hubs présents dans chaque département, les enseignants sont mieux conseillés dans la conception de projets pédagogiques innovants et le choix des meilleures ressources éducatives. Actuellement testée par 600 enseignants, la plateforme de formation en ligne e-INSPÉ proposera, quant à elle, des parcours en complément de ceux proposés par M@gistère, en co-construction avec les INSPÉ. Ces nouvelles missions, que nous menons aux côtés des académies, sont passionnantes et essentielles car la formation des enseignants est un levier puissant dans l’amélioration de la qualité du système éducatif.
Comment les enseignants doivent-ils être formés aujourd’hui ?
La formation des enseignants doit être désintermédiée, facilitée et plurielle. C’est, en tous cas, la vision que nous portons. À notre échelle, nous avons par exemple lancé une deuxième version plus attractive de Canotech, notre plateforme de formations en ligne destinées à la continuité pédagogique. Elle propose maintenant des formats plus courts, des vidéos, des webinaires interactifs, dans un environnement visuel et avec un design attractif… Ces contenus couvrent un ensemble de thèmes comme la remédiation, l’innovation pédagogique, le bien-être… Dans le cadre de nos webinaires et de nos ateliers, l’enseignant peut également s’entourer de professionnels afin de se former, selon ses centres d’intérêt, ses objectifs et ses projets. D’autre part, nous estimons que les thématiques de formation doivent évoluer selon le contexte et l’actualité. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, nous avons ainsi créé un onglet dédié pour aider les enseignants à décrypter les enjeux de cette crise et à accueillir des élèves ukrainiens.
Quelle place l’école doit-elle donner au numérique ?
C’est la place de l’école dans la société numérique qui est à construire. Nous nous y employons sous l’impulsion de la DNE et cela se concrétise, par exemple, avec le dispositif des territoires du numérique éducatif (TNE), en partant de la certitude que les EdTech doivent s’appuyer sur les usages pédagogiques des enseignants et non leur plaquer des solutions pré-établies. Globalement, il existe deux volets essentiels sur le sujet du numérique à l’école : éduquer les enfants à comprendre la société numérique aussi bien du point de vue de ses dangers que de ses opportunités ; et assurer l’équipement et la formation des enseignants. Ces derniers peuvent, grâce au numérique, repenser leurs séquences pédagogiques. Par exemple, demander à un élève de réaliser une biographie d’auteur n’a plus aucun intérêt en raison de la profusion d’informations sur Internet. En revanche, il doit être capable de retracer l’origine d’une information, de prioriser les ressources, d’effectuer des recherches documentaires à partir de plusieurs supports…
Quels types d’outils sont à privilégier ?
Il n’y a pas de corrélation évidente entre l’utilisation du numérique et l’amélioration des apprentissages. En revanche, nous savons grâce à des enquêtes que nous avons menées auprès de milliers d’enseignants qu’avec des publics fragiles ou en situation de handicap, le numérique permet de susciter l’attention et de personnaliser les apprentissages. Les robots éducatifs TED-i, qui permettent aux enfants malades d’assister à leurs cours à distance, sont un bon exemple de dispositifs pouvant servir l’école. Ils montrent que le numérique, loin de remplacer l’enseignant, lui permet de se concentrer sur son cœur de métier : sa relation aux élèves, particulièrement ceux qui sont touchés par les risques de décrochage.
Où en est-on, en France, en matière de transformation numérique ?
Le numérique s’est imposé de manière brutale depuis l’apparition de la crise sanitaire, ce qui a induit un début de transformation. Le gouvernement entend favoriser cette dynamique via, par exemple, les Etats généraux du numérique pour l’éducation ainsi que des plans d’investissement. Pour sa part, Réseau Canopé porte un marché public de 25 millions d’euros pour acheter des solutions EdTech et à les mettre à disposition des enseignants gratuitement. Dans ce cadre, les EdTech et les politiques publiques doivent monter en gamme afin de concevoir et déployer à grande échelle des outils plus adaptés aux usages pédagogiques des enseignants, plus faciles à prendre en main, et dans un environnement juridique d’achat simplifié. Pour cela, il faut dépasser la dualité privé/public. Nous essayons de le faire via notre accélérateur pédagogique, qui permet aux porteurs de solutions et aux entreprises EdTech d’expérimenter leurs outils auprès des professeurs, de les adapter au « Cadre de confiance » que requiert l’Éducation nationale, et de construire avec nous des actions de formation à ces solutions.