Campus responsables : « Ce qui manque aux écoles, c’est une volonté stratégique »

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Organisés sous le haut patronage du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, les Trophées francophones des campus responsables visent à valoriser les initiatives des écoles et des universités les plus inspirantes en matière de développement durable. Une thématique émergente quoiqu’encore confidentielle dans la sphère de l’enseignement supérieur, d’après Elisabeth Laville, fondatrice des Trophées.

Comment les Trophées francophones des campus responsables sont-ils nés ?

 Lorsque j’ai créé la société Utopies en 1993 pour inciter les entreprises à intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à leur stratégie, je me suis aperçue que si on ne changeait pas la façon dont on formait les dirigeants d’aujourd’hui, on aurait les mêmes entreprises demain. J’ai alors poussé les campus à s’engager dans cette démarche. Pour valoriser leurs initiatives, j’ai construit un guide des campus responsables, que j’ai voulu compléter par la remise de trophées. Mais à l’époque, il y avait quelques réticences à organiser des prix sur ce sujet. J’ai finalement profité de l’émergence des questions de labélisation des campus et du lancement des « Green Gown Awards » au Royaume-Uni pour créer les Trophées francophones, en 2014.

Qui récompensent-ils ?

Les Trophées récompensent les campus français, belges, suisses, luxembourgeois, africains, canadiens…, pour leurs actions et leurs engagements visant à intégrer le développement durable et la RSE à leurs activités. Ils s’adressent donc aux universités, aux grandes écoles ainsi qu’aux établissements spécialisés, par exemple en art appliqué, en aviation… Pour cette 8e édition, les campus peuvent envoyer leurs candidatures jusqu’au 30 novembre 2021 et postuler dans sept catégories : « établissements responsable de l’année », « impact positif sur la société », « implication des étudiants », « pédagogie pour une société durable », « action climatique pour 2030 », « ancrage territorial » et « qualité de vie, accessibilité et diversité sur le campus ».

Cette thématique est-elle devenue une priorité pour les campus ?

Non, ce n’est toujours pas une priorité pour les établissements d’enseignement supérieur. L’an dernier, nous avions reçu 27 projets de candidatures, qui émanaient de 19 établissements issus de 3 pays, preuve que la question climatique est encore marginale au sein des écoles et des universités. Il est toutefois possible qu’avec la crise du Covid-19, certains sujets comme l’ancrage territorial, l’aide aux étudiants émergent et rejaillissent ensuite dans les candidatures des Trophées de cette année. Mais rien n’est sûr : certains campus, notamment ceux qui accueillaient beaucoup d’étudiants étrangers, craignent encore pour leur survie… Ce qui manque aux établissements encore réticents à y aller, c’est une volonté stratégique. Ce n’est donc pas une question de ressources.

Quels établissements sont précurseurs ?

En 2020, Polytech Montpellier avait reçu le Trophée francophone des campus responsables dans la catégorie « établissements responsable de l’année ». Cette école est engagée dans l’intégration des principes du développement durable. Elle s’appuie sur le référentiel « Plan Vert » pour définir ses objectifs stratégiques en matière de gouvernance, de formation, de recherche, d’environnement et de politique social et d’ancrage territorial. L’école a travaillé sur plusieurs plans dont celui de la mobilité, en incitant les étudiants et les professeurs à utiliser les transports doux pour circuler vers l’école, mais aussi celui de la réduction de la consommation d’énergie, en installant une centrale de chauffage au bois. L’école Polytech Montpellier avait ensuite été lauréate des International Green Gown Awards.

Quels projets aimeriez-vous voir émerger au sein des campus ? 

Ce que je constate, c’est que l’engagement est souvent timide au sein des établissements. Ils peinent à mettre la question climatique au cœur de leur modèle économique. Grenoble École de Management vient de faire un grand pas en devenant une société à mission, dans le cadre de la Loi Pacte. Son utilité sociétale est désormais dans sa raison. L’école est pionnière en la matière : à part certaines écoles spécialisées comme Aivancity, peu d’établissements d’enseignement supérieur mettent leur engagement sociétal au cœur de leur positionnement et de leur offre de formations. Mener des initiatives en faveur de l’environnement, c’est bien. Mais bâtir un plan de stratégie global qui intègre la question climatique, c’est mieux. C’est ce type d’approche que j’aimerais voir émerger cette année.

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