Comment enseigner la littérature à l’aide du numérique ?

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Apprendre grâce au numérique relève aujourd’hui d’une nécessité tant celui-ci a investi la vie quotidienne des jeunes. Mais réconcilier les lycéens, consommateurs d’Instagram et de YouTube, avec Racine, Dante, Stendhal ou Rimbaud, est-ce possible ? Comment réinventer les méthodes d’apprentissage classiques, devenues obsolètes ? Nos conseils.

Capitaliser sur le goût de l’écriture

Certains professeurs de littérature ont, très tôt, été interpellés par le pouvoir du web en tant qu’espace pouvant favoriser l’appétence pour l’écriture. En effet, si la révolution numérique a fait exploser la diffusion du livre et de la lecture sur les smartphones et les tablettes, elle a également provoqué une quasi-généralisation de l’écriture. C’est ce qu’a constaté Jean-Michel Le Baut, professeur de lettres au lycée de l’Iroise à Brest. « Il s’agit d’un enjeu majeur pour notre civilisation numérique. L’école doit se saisir de ce nouvel appétit des jeunes pour l’écriture en vue de l’exploiter comme un nouveau moyen d’apprentissage. À mon échelle, j’ai intégré cette donnée à mes pratiques d’enseignement : par exemple, je demande à mes élèves de rédiger de fausses pages, sur Wikipédia ou Amazon, consacrées à des personnages de roman, comme « L’Œuvre au noir » de Marguerite Yourcenar, ou à des livres fictifs qu’ils auraient écrits », illustre-t-il.

Investir les réseaux sociaux

Le responsable pédagogique du « living lab Interactik » va jusqu’à encourager l’usage des réseaux sociaux, qu’il utilise comme nouveaux formats de cours pour insuffler le goût de la lecture et de l’écriture auprès de ses élèves. Puisqu’ils publient tous les jours des contenus multimédia sur leurs pages Instagram ou Facebook, ils s’adonnent eux-mêmes à l’écriture. Le professeur a décidé de réorienter cet investissement par l’écriture des réseaux sociaux vers la littérature « académique ». « Je leur demande ainsi de concevoir des publications sur des pages Instagram dédiées à des personnages (de tragédies de Racine par exemple) et d’essayer d’imaginer ce que ces personnages auraient pu publier sur Internet. Cette méthode suscite des élans de créativité et se révèle très efficace au vu de la qualité des productions que publient mes élèves », assure Jean-Michel Le Baut.

Utiliser le blogging

Dès que la pratique du blogging a émergé il y a quinzaine d’années, Jean-Michel Le Baut a été « frappé » par la vitesse de démocratisation de l’écriture, y compris chez les jeunes qui ont massivement investi ces nouveaux espaces d’expression par l’écriture. « C’est pourquoi j’ai également créé un blog, i-voix, afin d’inciter mes élèves de première à produire des textes littéraires. En une dizaine d’années, 27 000 articles ont été publiés. Cette prouesse quantitative, mais également qualitative, témoigne d’une forte motivation ainsi que d’une appétence de leur part pour la rédaction et la littérature d’une part, et pour la réflexion et la critique d’autre part », souligne-t-il. Cet exercice a également montré au professeur à quel point ses élèves pouvaient être créatifs, par exemple en réadaptant la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » d’Olympe de Gouges à des personnages féminins de romans.

Faire de la correction entre pairs en vidéo

S’il est régulé, l’usage des réseaux sociaux peut constituer un vecteur de cohésion entre les élèves, d’après Sophie Guichard, professeure agrégée de mathématiques au lycée Édouard-Branly de Lyon. «  Il y a trois ans, j’ai monté un projet avec mes élèves consistant pour chacun d’eux à créer une vidéo pédagogique de correction d’un exercice de mathématiques avec son smartphone », raconte-t-elle. Cette initiative leur a permis de devenir « transmetteurs de savoir » puisque les corrections filmées ont été mises en ligne pour constituer une banque de données accessible sur YouTube. « Les élèves ont compris qu’ils pouvaient être acteurs de l’usage du téléphone. Ce dernier n’asservit plus, mais devient porteur de fonctionnalités à la fois pédagogiques et solidaires », affirme-t-elle. Une initiative qui peut facilement être dupliquée dans la littérature, notamment dans la correction, entre élèves, de dissertations ou d’analyses de textes.

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