IA et pédagogie : trois exemples de bonnes pratiques

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Selon les disciplines et les niveaux d’enseignement, les intelligences artificielles peuvent constituer des pistes d’accompagnement intéressantes pour les élèves, à condition qu’elles soient utilisées de façon éclairée. C’est ce qu’ont expérimenté trois professeurs réunis à l’occasion d’une conférence organisée par France Université Numérique. Témoignages.

ChatGPT en cours de français : un outil qui nécessite une maîtrise du sujet

Claire Doz, enseignante de lettres à la Cité scolaire Paul Valéry, a travaillé sur « l’art du prompt » avec ses élèves, c’est-à-dire l’art de formuler les bonnes requêtes à ChatGPT de façon à ce qu’il parvienne à générer des dissertations de qualité. Concrètement, avec ses élèves de première, elle a créé un exercice consistant à écrire, en mobilisant ChatGPT, un portrait à la manière de Jean de La Bruyère. « Nous avons travaillé ensemble sur une première version de prompt, qui a suscité des questionnements par rapport aux éléments déjà vus en cours. En effet, certains élèves ont relevé que le premier portrait proposé par ChatGPT manquait d’ironie. Nous avons donc écrit un nouveau prompt pour affiner le résultat. D’autre part, j’ai demandé à chaque élève de noter le nouveau portrait proposé par l’outil », raconte-t-elle. L’objectif de cette partie de la séance était ainsi de repérer l’ironie dans le deuxième portrait, puis d’identifier ce qui lui pouvait encore lui manquer. Les élèves ont réalisé que plus un texte contenait d’ingrédients, plus la note qu’ils lui attribuaient était élevée. « Les élèves ont dû travailler pendant une heure avec GPT pour lui faire générer un contenu pouvant avoir la note de 17/20. Par ailleurs, ils étaient presque déçus par l’IA, dont ils espéraient un retour immédiatement brillant. C’est bien ce que j’ai voulu leur montrer. En effet, il faut prendre le temps de mobiliser des connaissances approfondies pour la rendre réellement utile », indique-t-elle.

En maths, ChatGPT a encore besoin de l’intelligence de Wolfram

À l’université, les usages de l’IA sont moins encadrés par les enseignants, qui laissent leurs étudiants travailler en autonomie. Jean-François Caulier, vice-président délégué stratégie et innovations numériques à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, qui a testé ChatGPT en mathématiques, assure en tout cas que la version 3.5 de l’outil constitue un excellent coach personnel pour les étudiants en matière d’appropriation de concepts. En revanche, cette version présente plusieurs limites, notamment parce qu’elle ne garantit pas de stabilité de résultat. « Lorsqu’on lui pose deux fois la même question, on obtient deux réponses différentes, ce qui, pour des calculs, est impossible », indique-t-il. C’est la version 4 de ChatGPT qui permet, selon lui, de proposer de meilleures pistes de travail. L’avantage de cet outil est qu’il s’appuie sur le puissant logiciel de calcul Wolfram. « Il est possible, avec cette nouvelle version, de re-contextualiser les requêtes, par exemple en demandant à l’outil de définir ce qu’est une valeur propre avec différents niveaux de difficulté », explique-t-il. Autre nouveauté avec la version 4 : la capacité de générer des images, des représentations graphiques… mais également des exercices. « Avec un bon prompt contenant des restrictions et le format du résultat attendu, l’outil peut générer de bons QCM. Mais à condition de lui demander explicitement d’utiliser Wolfram pour calculer les réponses aux questions », souligne-t-il.

L’IA : une alliée de l’agriculture numérique 

Ayant fondé le Master en intelligence artificielle et big data à l’ESTIA, Serge Miranda, professeur émérite d’informatique à l’Université Côte d’Azur, s’est lui aussi confronté à l’utilisation de l’IA. « Mes étudiants et moi avons travaillé sur la réalisation d’applications concrètes en IA. Par exemple, en agriculture numérique, nous avons mis en place des projets dans lesquels nous avons utilisé des capteurs et des drones dont les images permettent d’assurer le bon suivi d’une production. Ces outils ont l’avantage de prévenir les maladies des plantes et d’optimiser l’arrosage », explique-t-il. Selon lui, les tuteurs numériques personnels – ChatGPT a été consulté par des étudiants pour construire des capteurs – seront un élément central de l’éducation de demain, qui devra s’appuyer sur la personnalisation et l’adaptation des parcours. Dans le même sens, il se profile un changement de paradigme dans « le couple question-réponse », qui a toujours tenu une place importante dans l’éducation. Pour Serge Miranda, l’art de poser les bonnes questions va l’emporter sur l’importance, plus traditionnelle, de la construction de bonnes réponses. « Le prompt de ChatGPT peut contenir jusqu’à 25 000 mots, ce qui ouvre un vaste champ de possibilités en matière de formulation de questions. Ainsi, tous les domaines d’activité seront impactés par l’IA », conclut-il.

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