« Il n’y aura pas de nouveaux usages sans un effort de formations »

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La crise du Covid-19 a challengé le réseau Canopé ! Pour aider les enseignants à ré-inventer leurs pratiques pédagogiques, l’opérateur public a basculé son contenu de formation à distance. Depuis le début de la pandémie, 130 000 professionnels ont été formés au cours de webinaires organisés par le réseau, comme l’explique Marie-Caroline Missir, la directrice générale.

 Quelle est la mission du réseau Canopé ?

 Canopé est un opérateur public du ministère de l’Éducation nationale, qui est basé à Poitiers mais qui est présent, via ses ateliers, dans tous les départements français. Sa mission est de renforcer l’action de la communauté éducative en faveur de la réussite des élèves. En mars 2020, quelques jours avant le premier confinement, j’ai été nommée directrice générale du réseau Canopé. Le Ministre m’a donné la mission de transformer cette institution en opérateur de la formation des enseignants. La crise du Covid-19 a accéléré cette transformation. Face à la profusion de ressources – privées comme publiques, payantes comme gratuites, professionnelles comme artisanales – qui ont émergé sur Internet, le réseau s’est emparé d’une mission de curation. Nous avons créé CanoTech, une plateforme de ressources numériques pour aider les enseignants à assurer la continuité pédagogique.

Comment avez-vous accompagné les enseignants ?

Puisque notre activité de curation n’était pas suffisante face aux enjeux rencontrés par les enseignants, nous avons rapidement basculé notre offre de formation présentielle en distanciel. Concrètement, nous avons organisé des webinaires d’1h30, qui ont été animés par des médiateurs, des experts, des chercheurs, des enseignants innovants… Nous avons volontairement restreint la jauge à 60 personnes afin que les participants puissent facilement échanger entre pairs. Ces formations portaient sur trois thématiques : la dimension humaine du métier d’enseignant (c’est-à-dire l’accompagnement des élèves, la bienveillance, la gestion du stress, l’écoute), la remédiation (en l’occurrence l’aide aux élèves en difficulté, par exemple en décrochage scolaire ou en situation de handicap), le numérique éducatif (c’est-à-dire la maîtrise des outils digitaux, l’hybridation des cours…)

 Quelles thématiques de formation les enseignants ont-ils plébiscité ?  

Depuis le début de la crise, 130 000 enseignants ont été formés par le biais de notre réseau. Au fil des mois, nous avons observé un glissement dans leurs besoins en matière de formations. Au début de la crise, les webinaires les plus suivis portaient sur « les basiques » de l’enseignement, par exemple sur l’ENT. Puis, les attentes se sont plutôt portées vers les nouveaux usages et l’innovation pédagogique. L’une des formations les plus plébiscitées aujourd’hui porte sur la classe inversée. Ce qui est intéressant, c’est que l’irruption numérique – parfois soudaine – dans l’enseignement a encouragé l’émergence de pratiques plus innovantes comme celle de la classe inversée, qui peut être menée en présentiel comme à distance. Cette crise a re-questionné la pratique enseignante et l’a recentrée sur les dimensions humaines et pédagogiques.

En quoi cette crise constitue-t-elle une opportunité pour le secteur de l’éducation ?

La période qui suit la crise du Covid-19 n’est pas une parenthèse. Elle va continuer à faire émerger les pratiques les plus innovantes. L’hybridation des cours, qui était encore mal comprise il y a quelques mois, va s’inscrire dans la durée, les enseignants ayant compris la richesse qu’ils vont pouvoir en tirer. D’après une étude que nous avons menée dans l’académie de Poitiers sur 2000 enseignants, 40 % citent l’autonomie de leurs élèves comme priorité et 31 % la différenciation pédagogique. Sur ces deux sujets, le numérique constitue un levier d’amélioration du système éducatif français. La crise du Covid-19 débouche donc sur quelque chose de vertueux : une prise de conscience réelle et à tous les étages d’insuffler de l’innovation dans l’enseignement. Mais il n’y aura pas de nouveaux usages sans un effort de formations.

Travaillez-vous en collaboration avec les sociétés de l’EdTech ?

Oui, notre rôle est également de pousser des outils de l’EdTech à notre communauté d’enseignants. Nous leur proposons par exemple de se former à la solution Lalilo, qui favorise l’apprentissage à distance de la lecture. En mai 2020, nous avons également tissé un partenariat avec la start-up Glose, qui convertit les livres présents dans les Centres de documentation et d’information (CDI) des écoles en contenus numériques, accessibles sur tous les écrans. L’un des projets que je voudrais mener à Poitiers est de créer un espace au sein duquel les enseignants pourraient justement tester les solutions du marché. Je m’intéresse notamment aux solutions numériques qui reconstituent une classe à distance, qui permettent aux enseignants de capter l’attention de leurs élèves, qui développent le dialogue entre les élèves et les enseignants pendant les cours, par exemple grâce à l’intelligence artificielle, qui creusent le sujet de la pédagogie différenciée.

 

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