« Je ne vois pas ce que le métavers peut apporter à l’enseignement »

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Le métavers peut-il vraiment faire évoluer les pratiques pédagogiques ? Quels en sont les meilleurs usages pour le monde de l’enseignement ? Selon Mattias Mano, directeur du centre d’innovation pédagogique de l’Université Paris Sciences et Lettres, le bénéfice du métavers n’est réel que lorsqu’il assure des immersions dans des environnements inaccessibles.

Croyez-vous au potentiel du métavers comme outil d’enseignement ?

Ce que je constate, c’est que c’est un terme qui n’est pas encore clair et qui est souvent associé à un ensemble de technologies comme la réalité virtuelle ou augmentée. Quoiqu’il en soit, je ne vois pas, à ce stade, ce que le métavers peut apporter à l’enseignement. Une expérience numérique que l’on vit au travers d’un avatar virtuel et visant à retraduire à l’identique une activité que l’on peut réaliser en présentiel (comme assurer une présentation face à un auditorium en projetant des slides) n’apporte aucun intérêt pour la pédagogie. En revanche, les technologies qui s’associent au métavers peuvent avoir un réel impact sur la pédagogie. Concrètement, les situations immersives, qui peuvent par exemple se traduire par le fait d’être représenté dans un espace numérique inaccessible dans la réalité, via un avatar, peuvent avoir un intérêt pédagogique dans certains cas précis.

Dans quels cas par exemple ?

Dans des domaines comme l’astrophysique par exemple, où il faut étudier le système solaire, la réalité virtuelle permet de positionner et de faire déplacer l’étudiant, au travers de son avatar, dans cet écosystème. Dans ce cas, l’intérêt pédagogique est réel. D’ailleurs, les études en neuropsychologie et en sciences de l’éducation démontrent que l’implication de l’étudiant et son intégration dans l’activité pédagogique améliorent ses conditions d’apprentissage. À partir de là, il est possible d’imaginer plusieurs cas d’usage réellement appropriés pour la pédagogie : en médecine via des dispositifs permettant d’explorer le corps humain, en chimie pour réaliser des travaux pratiques numérisés sans danger de fausses manipulations… La numérisation permet un « droit à l’erreur » et c’est en cela qu’elle est capable de faire évoluer la pédagogie. Globalement, comme c’est le cas pour toute solution numérique, c’est la scénarisation pédagogique et l’usage de l’outil comme moyen de répondre à un objectif pédagogique qui sont à penser pour savoir s’il faut recourir, ou non, au métavers.

Comment votre centre d’innovation pédagogique accompagne-t-il les enseignants dans les usages numériques ?

Notre centre est composé d’une équipe d’ingénieurs pédagogiques qui a pour mission d’améliorer les conditions d’apprentissage des étudiants de l’Université Paris Sciences et Lettres. Nous avons trois pôles principaux. D’abord, un service d’accompagnement dans le cadre duquel les ingénieurs pédagogiques travaillent avec les enseignants qui souhaiteraient mettre à jour le contenu de leurs cours et leurs pratiques. Ensuite, nous proposons un pôle « communauté enseignante » destiné à mettre à disposition des enseignants des temps d’échanges informels sur leurs pratiques ainsi qu’un espace plus formel où nous concevons l’ensemble des formations qui ont trait à la pédagogie dans le cadre de leur formation continue. Enfin, le troisième pôle concerne les outils. Nous sommes en charge du déploiement des outils techno-pédagogiques comme Moodle et nous essayons d’avoir une approche axée sur l’expérience utilisateur pour les publics concernés par leur utilisation. L’ensemble de nos actions s’appuient sur une démarche de recherche, en intégrant les dernières avancées des sciences de l’éducation et des sciences cognitives.

Menez-vous des projets en lien avec le métavers ?

Non, nous expérimentons plutôt les apports du numérique comme moyen d’améliorer les conditions d’apprentissage des étudiants et d’optimiser les espaces. Notre grand projet en cours est la numérisation des outils des salles informatiques puisque le taux d’équipement des étudiants en ordinateurs personnels se rapproche chaque année de 100 %. L’existence des salles informatiques pose donc question en raison de la place qu’elles prennent et des mises à jour continues du hardware qu’elles nécessitent. Il s’agit d’un projet piloté par Mines Paris – PSL, l’un des établissements-composantes de notre université, qui consiste à mettre sur le cloud plusieurs outils informatiques. Ainsi, l’étudiant n’aurait plus besoin de se rendre dans la salle informatique pour avoir accès à des logiciels statistiques et informatiques comme Python, mais aurait la possibilité de les utiliser sur le cloud via son ordinateur. C’est une grande avancée car ces logiciels se caractérisent par une forte consommation en ressources de l’ordinateur physique.

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