Le professeur du XXIe siècle sera-t-il numérique ?

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Le mardi 1er décembre 2020, le Conseil scientifique de l’éducation nationale a organisé le colloque « Quels professeurs au XXIe siècle ? ». Un rapport de 122 pages, rédigé sous la direction de Yann Algan, présente les enjeux abordés lors de cet événement. 7 pages sont consacrées au numérique. Retour sur les points clés à retenir.

Le colloque scientifique « Quels professeurs au 21ème siècle ? » s’est tenu à distance le 1er décembre 2020 dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Il a offert un regard croisé de la recherche et des retours d’expériences à l’international autour de cinq thématiques : Pourquoi l’éducation et les professeurs sont-ils l’investissement du 21ème siècle ? Quelles nouvelles connaissances et compétences pour les élèves, et quelles pratiques pédagogiques pour les professeurs ? Quelles formations ? Quelles nouvelles conditions de travail et d’enseignement ? Et enfin, quels nouveaux modes de gouvernance ?

Le rapport de ce colloque offre un contenu riche et détaillé sur les enjeux abordés lors de cet événement et donne les principales recommandations. Un chapitre est consacré aux apports du numérique dans le travail du professeur du 21ème siècle.

Voici les 6 extraits forts à retenir :

1-Au XXIème siècle, selon les chercheurs, la persistance du manuel scolaire ne fait guère de doute. Toutefois, son format pourrait changer. Grâce aux avancées de l’informatique, le manuel du futur pourrait prendre des formes modulables, destinées à ses trois publics : l’enseignant, l’élève, et le parent d’élève. Un manuel 100% numérique devrait permettre des aller-retours beaucoup plus systématiques entre le cours et les exercices, avec l’intégration d’exerciseurs automatiques, notamment en mathématiques. Enfin, un tel manuel devrait systématiquement adopter un format modifiable afin de l’adapter aux différences interindividuelles, notamment en cas de handicap (visuel ou auditif). Il n’y a aucune raison qu’un manuel, dès aujourd’hui, n’inclue pas de fonctions de modification de la taille des caractères, voire de lecture automatique à haute voix, adaptée aux élèves dyslexiques….

2-La recherche démontre que, dès la maternelle, l’évaluation des progrès des élèves accélère leurs apprentissages. L’évaluation est l’un des domaines où les sciences cognitives peuvent apporter une contribution précieuse. L’objectif n’est ni de noter les élèves, ni de faire des statistiques, mais de donner à l’enseignant une photographie précise des besoins de chaque élève. A l’avenir, il serait souhaitable que l’éducation nationale développe des outils d’évaluation informatisée pour mesurer les progrès des élèves dans les domaines de la lecture, de l’orthographe ou du calcul mental. Disponibles à tous moments, accessibles par internet, ces outils pourraient être rendus ludiques et motiver ainsi les élèves à progresser, mois après mois, en leur donnant l’évidence concrète des résultats de leurs efforts.

3-La recherche scientifique montre que l’investissement dans l’environnement numérique n’est pas la panacée pour améliorer l’apprentissage des élèves. Si les raisons de cet état de fait ne sont pas parfaitement connues, on observe souvent que les pays investissent dans le matériel informatique sans suffisamment réfléchir à ses usages pédagogiques. Or, il n’y a aucune magie particulière au numérique. S’appuyant sur la littérature scientifique, le chercheur Paul Kirschner dénonce plusieurs mythes récurrents : non, les enfants d’aujourd’hui ne sont pas « natifs du numérique » (digital natives) ; non, ils n’ont aucune connaissance intuitive des nouveaux médias et, non, ils ne sont pas des autodidactes qui contrôlent eux-mêmes leur parcours d’apprentissage. Un apprentissage structuré, explicite, leur est tout aussi indispensable aujourd’hui qu’hier.

4-Ce constat ne signifie pas qu’il soit impossible de développer des bons logiciels pédagogiques. Un logiciel de jeu peut captiver l’attention des enfants. Il pique leur curiosité et sollicite leur engagement actif – l’un des grands intérêts est d’ailleurs d’obliger tous les enfants à participer, ce qui n’est pas toujours aisé à assurer dans le contexte de la classe. Un logiciel bien conçu fournit également un retour sur erreur immédiat et précis, à chaque essai – si l’élève se trompe, le logiciel peut le signaler immédiatement et même fournir des explications, sans que cela ne stresse ou ne punisse l’élève. Enfin, un logiciel peut participer à l’automatisation et à la consolidation des connaissances, parce qu’il peut répéter inlassablement les exercices, en s’adaptant automatiquement au niveau de l’enfant.

5-Un nombre croissant de logiciels répond à ce cahier des charges. Mais les meilleures intentions ne suffisent pas : encore faut également faire la preuve, dans des études randomisées contrôlées, que le logiciel a un effet positif sur l’apprentissage, en comparaison avec une pédagogie traditionnelle ou avec un autre logiciel de contrôle.

6-Il n’y a guère de doute qu’à l’avenir, les logiciels de ce type ne remplaceront jamais l’interaction essentielle de l’élève avec l’enseignant. La recherche montre que l’enfant a une « attitude pédagogique » et apprend bien plus efficacement lorsqu’il est en interaction sociale avec un adulte dont il comprend qu’il cherche activement à lui enseigner des informations. Le plus intéressant pourrait être de développer une complémentarité entre les apports de l’enseignant et du logiciel, qui pourrait intervenir dans des moments restreints et bien choisis afin de mettre à l’épreuve, de consolider et de compléter ce qui a été enseigné.

Pour en savoir plus, vous pouvez télécharger le rapport de synthèse complet, rédigé par Yann Algan avec les contributions de Stanislas Dehaene, Élise Huillery, Elena Pasquinelli, Franck Ramus en cliquant sur le lien suivant : Quels professeurs au 21e siècle ?

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