Les manuels scolaires sont-ils voués à disparaître ?

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Face à la montée en puissance des solutions éducatives digitales, les manuels scolaires au format papier risquent-ils de prendre la poussière sur les étals de la bibliothèque ? La réponse est non ! Même s’ils doivent se réinventer en embarquant davantage d’éléments numériques, ils resteront incontournables, tant qu’il y aura une fracture numérique.

Dans la sphère de l’enseignement, l’apparition d’Internet a démontré à quel point la complémentarité entre les supports numériques et physiques pouvait être bénéfique pour suivre un parcours d’apprentissage. Le secteur de l’édition scolaire a su intégrer cette nouvelle donne. Depuis deux décennies, les éditeurs numérisent leur offre. « La publication de manuels numériques s’est systématisée chez les principaux éditeurs dès 2007 et généralisée à l’ensemble des maisons d’édition début 2010 », rappelle Pascale Gélébart, responsable des relations institutionnelles chez Éditions Bordas.

Un rôle de structuration des savoirs

Si les éditeurs intègrent toutes ces avancées dans leurs propositions pédagogiques, c’est pour coller au plus près des besoins des élèves (de plus en plus connectés), des attentes des enseignants et des nouveaux enjeux de société. Car quelle qu’en soit la forme, le manuel scolaire a pour rôle d’accompagner la communauté éducative en tant qu’« outil de structuration des savoirs ». « Il organise la progression pédagogique de l’élève en séquences calibrées pour traiter tout le programme et il donne à voir aux familles le programme traité à l’école. En cela, il est un outil d’égalité républicaine », précise Pascale Gélébart. À l’heure du numérique, les manuels demeurent ainsi des ressources pertinentes pour aider les élèves, à « construire une pensée délibérative indispensable au développement des compétences, notamment au regard des défis de notre siècle, qu’ils soient sociétaux, numériques, environnementaux », indique-t-elle.

L’horizon de la numérisation

Pour répondre à sa mission consistant à faciliter l’accès aux savoirs pour le grand nombre et au prix le plus accessible possible, « le secteur de l’édition scolaire sera amené à recourir de plus en plus aux outils numériques », explique Juan Pirlot de Corbion, fondateur de CEO de YouScribe, bibliothèque numérique qui permet aux professeurs, aux étudiants et aux auteurs de publier des documents visant à compléter les expériences d’apprentissage. Pour autant qu’ils soient tous équipés, les élèves pourraient ainsi tirer profit du principal avantage du numérique : l’interactivité. Les éditeurs, quant à eux, capitaliseraient sur la possibilité d’actualiser régulièrement les ressources qu’ils proposent. Résultat : « Les manuels numériques ne se réduiraient plus à un contenu statique, mais représenteraient un outil de travail interactif faisant partie intégrante du parcours pédagogique. »

Cet avantage de flexibilisation des contenus peut également profiter aux manuels en version papier : depuis quelques années, ces derniers embarquent ainsi du numérique, par exemple « via des applications qui permettent, en scannant une page, d’activer des contenus multimédia (vidéos, sons, cartes animées, quizz, podcasts…) », indique Pascale Gélébart. Le vivier technologique du digital permet également de concevoir des ressources visant, par exemple, à aider les élèves à mieux appréhender une représentation mathématique en 3D, à visiter virtuellement des monuments…

Une vision « critique » du numérique

N’en déplaise aux plus technophiles : parce qu’ils permettent généralement un meilleur ancrage mémoriel, les manuels en version papier resteront incontournables. Leur rôle a surtout été mis en évidence lors de la crise du Covid-19, qui a questionné le sens de l’usage des outils digitaux pour telle ou telle tâche éducative. Selon Pascale Gélébart, les nombreux témoignages de familles et d’enseignants ont en effet montré une « redécouverte » de la puissance de l’outil papier, « surtout pour les tâches requérant concentration et attention comme l’analyse de textes, les exercices complexes ou encore les problèmes de mathématiques ». Par ailleurs, en raison de la fracture numérique, décréter une transition radicale au tout numérique serait un accélérateur d’inégalités. En effet, si de plus en plus de matériels sont disponibles, « ils ne sont pas détenus par tous les élèves. Or, le principe de l’apprentissage est que tous les apprenants bénéficient des mêmes chances de réussite », souligne Juan Pirlot de Corbion. Le numérique pose aussi la question des données et toutes les solutions ne sont pas en conformité avec le RGPD. Pour les éditeurs, il devient ainsi de plus en plus important de suivre la dynamique consistant à construire « une vision critique et constructive des avantages et des inconvénients du numérique », pointe Pascale Gélébart.

Le numérique comme outil d’inclusion

Outre l’interactivité, donc la flexibilisation des parcours d’apprentissage qu’il permet, le numérique peut aussi renforcer le rôle du secteur de l’édition dans la construction d’une école plus inclusive. « C’est le sens de l’intégration dans nos ouvrages numériques de polices DYS, d’audios, de possibilités de moduler la mise en page… », illustre Pascale Gélébart.

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