Appels à projet, investissements, accompagnement… La Banque des territoires soutient la filière EdTech en activant plusieurs leviers. Son objectif ? Favoriser le développement d’un numérique éducatif plus inclusif, selon Nicolas Turcat, responsable du service Éducation, Inclusion numérique et Services au public.
Quelles actions mettez-vous en place pour accompagner la filière EdTech ?
Nous nous appuyons sur trois leviers d’action pour aider les EdTech à se développer. D’abord, nous opérons, pour le compte de l’État, des programmes d’investissements d’avenir (PIA), désormais sous l’égide de France 2030. Nous accompagnons ainsi le déploiement de projets territoriaux comme le dispositif TNE, des projets de recherche-action comme e-Fran ou encore des projets d’hybridation d’équipes de recherche avec des équipes Tech. Ce premier levier représente plus de 650 millions d’euros dans l’ensemble des territoires pour près de 120 projets. Par ailleurs, nous accompagnons des projets en fonds propres via les appels à projets que nous lançons comme « Numérique Inclusif, Numérique Éducatif ». L’objectif est de cofinancer, via des subventions, des projets sélectionnés en interne sur des critères comme l’impact et la capacité à passer à l’échelle. Enfin, nous investissons dans des entreprises comme Maskott, Colori ou encore Myfuture. Nos objectifs d’investissement sont libres mais nous nous basons sur l’intérêt général et l’impact territorial. Si ces investissements peuvent monter jusqu’à 5 millions d’euros, nous restons toujours un actionnaire minoritaire.
Comment définissez-vous la notion d’impact, qui semble être un critère important pour vous ?
Nous nous assurons que les solutions éducatives déploient le numérique de manière inclusive. Avec les objets numériques nous devons nous saisir d’enjeux forts comme l’accessibilité, l’égalité des chances et la capacité d’emmener tous les publics vers un objectif d’amélioration de la réussite. C’est l’une des promesses du numérique et c’est précisément l’objectif de l’école. A contrario, les EdTech qui se spécialisent sur des segments particuliers et qui facturent, par exemple, des services parascolaires aux parents d’élèves ne sont pas inclusives. Les publics fragiles sont pourtant faciles à identifier ! Ce sont le plus souvent des personnes moins diplômées et aux revenus modestes qui se trouvent dans les quartiers politiques de la ville, dans les zones rurales… C’est là que les taux d’usage d’outils EdTech sont les moins forts. Par ailleurs, les innovations à fort impact sont celles qui permettent de faire de la remédiation à l’instar de Pronote, qui identifie les élèves en situation de décrochage. L’impact doit aussi être territorial : il est important que les innovations touchent les territoires éloignés. C’est ce que fait, par exemple, Educ’Arte via la généralisation de l’accès à l’éducation et à la culture dans une logique de cohésion sociale et territoriale.
Comment contribuez-vous à la lutte contre la fracture numérique ?
Plus le numérique est présent, plus les usages se développent, plus la fracture numérique se renforce. Sur 12 millions d’élèves, 1 à 2 millions sont touchés par cette fracture. À son échelle, la Banque des Territoires lutte contre ce phénomène en favorisant les partenariats public-privé. L’Investissement public dans la filière est important car les EdTech sont concernées par les questions de l’intérêt général et de la souveraineté numérique. Pour autant, il faut savoir travailler avec les acteurs privés de la Tech. La puissance publique doit ainsi encadrer certains éléments de la filière, tout en faisant confiance aux entrepreneurs français afin qu’ils aient la liberté de développer des solutions efficaces. Pronote en est un exemple : la société a su collaborer avec les établissements pour développer un produit souverain et performant pour tous les enseignants.
Comment imaginez-vous le secteur des EdTech dans 10 ans ?
Ce que j’espère, c’est que les entrepreneurs français puissent développer des solutions centrées sur la simplicité d’usage. Si Google Docs ou Teams ont du succès, c’est parce qu’ils mettent l’utilisateur au centre du dispositif. Des solutions souveraines, françaises ou européennes, pourraient ainsi être développées dans un cadre facilitateur mais également en vue d’être interopérables. Il faut aussi que les entrepreneurs soient plus rigoureux, par exemple dans la direction de leurs opérations, car ils s’adressent à un marché public complexe qu’il faut savoir prospecter. Enfin, l’État doit libérer l’accès à la technologie, faire confiance aux enseignants en leur donnant la possibilité d’acquérir des ressources dans un cadre régulé.