« Privilégier le recrutement externe au détriment du développement interne des compétences s’avère contre-productif »

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Grammarly a annoncé avoir licencié 230 personnes pour se « concentrer sur le futur du travail basé sur l’IA ». Plutôt que de réduire leurs effectifs, les entreprises gagneraient à investir massivement dans la formation pour mettre à jour les compétences caduques de leurs salariés en poste. C’est l’avis de René Janssen, PDG de Lepaya, solution de learning and development.

La décision de Grammarly reflète-t-elle un problème de fond en matière de gestion des talents ?

Les licenciements opérés par Grammarly reflètent une approche réactive plutôt que proactive face aux évolutions technologiques. Bien qu’il soit nécessaire d’aligner les équipes sur les nouvelles réalités technologiques, cette démarche soulève des inquiétudes sur la gestion des talents. En effet, privilégier le recrutement externe au détriment du développement interne des compétences peut s’avérer contre-productif car il nuit fortement à l’engagement des employés. Des décisions comme celle-là reflètent aussi la difficulté des entreprises à « recycler » efficacement leur personnel existant. Malgré tout, face à une conjoncture difficile, cette approche n’est pas incompréhensible. Elle symbolise même une tendance de fond : la vitesse à laquelle les compétences doivent évoluer. Cela souligne l’importance d’anticiper ces évolutions et d’investir dans le capital humain existant.

Selon vous, quelle autre stratégie aurait pu être adoptée ?

Une meilleure stratégie aurait été d’investir dans la formation continue et le recyclage professionnel. D’autant que cela permet de cultiver un esprit d’innovation et de flexibilité. Les entreprises doivent désormais déterminer à l’avance les compétences à renforcer ou développer et commencer dès maintenant à préparer leurs équipes aux défis à venir. Cela permet non seulement de préserver les emplois mais également de renforcer la capacité de l’entreprise à innover de l’intérieur en s’assurant une compétitivité durable face aux changements technologiques.

Face à l’IA, les salariés de certains secteurs sont inquiets à l’idée de perdre leur emploi… Comment les entreprises peuvent-elles les rassurer ?

La première étape est d’établir une communication transparente et régulière visant à informer les employés à propos des changements à venir, des opportunités nouvelles créées par l’IA et, surtout, de la manière dont l’entreprise envisage de les accompagner à travers cette transition. Il est crucial d’impliquer les employés dans le dialogue sur l’IA, en leur permettant de partager leurs inquiétudes et de donner des suggestions. Par ailleurs, proposer des programmes de formation ciblés et continus aide à bâtir des équipes résilientes. Mais ces initiatives doivent aller au-delà de la simple acquisition de compétences techniques en IA.  Les entreprises doivent aussi mettre l’accent sur le renforcement des compétences humaines telles que la résolution créative de problèmes et la collaboration, qui resteront inestimables dans un futur automatisé. Enfin, cultiver une culture d’innovation où chaque employé se sent valorisé et capable de contribuer à l’évolution de l’entreprise dans l’ère de l’IA renforce non seulement l’estime de soi mais aussi l’engagement envers l’entreprise.

Sur quels axes les entreprises doivent-elles orienter leurs politiques de formation ?

Il est important de reconnaître que le rythme rapide des avancées technologiques modifie radicalement le paysage des compétences. La compétence moyenne devient obsolète en moins de cinq ans, voire beaucoup moins dans certains secteurs technologiques. Il devient donc crucial de développer la pensée critique des employés en leur permettant ainsi de comprendre et d’interpréter les données au-delà des chiffres. C’est essentiel pour naviguer dans le paysage complexe et en constante évolution du travail moderne. En encourageant une réflexion holistique, il devient possible pour les employés d’identifier des solutions innovantes aux problèmes. Parallèlement, renforcer l’agilité dans la gestion de projets prépare les équipes à réussir dans des missions de plus en plus complexes qui nécessitent un fort degré de collaboration interdisciplinaire. Cette compétence est d’autant plus pertinente à notre époque, où l’efficacité ne se mesure pas seulement en termes de productivité mais également par la capacité à piloter et à réorienter les projets face aux imprévus.

Comment les entreprises peuvent-elles favoriser le développement de ces nouvelles formes de compétences ?

L’intégration de la formation continue dans le développement professionnel assure que les employés restent au fait des dernières technologies et méthodologies, en particulier celles liées à l’IA. Cela implique de créer des parcours de formation personnalisés qui soutiennent à la fois les objectifs de l’entreprise et les aspirations de carrière individuelles tout en favorisant une culture d’apprentissage perpétuel. Les entreprises doivent donc admettre que les formations ponctuelles ne suffisent plus pour qu’elles atteignent leurs objectifs. La formation continue et l’adaptation agile sont essentielles pour surmonter les défis et forger des équipes résilientes, prêtes pour demain.

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