Quels enjeux éducatifs à l’ère de l’IA ?

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L’entrée de l’intelligence artificielle dans le milieu éducatif fait émerger plusieurs questionnements. Pouvant introduire des opportunités constructives dans l’apprentissage, ces nouvelles technologies risquent également de bousculer les pratiques établies et de provoquer des tensions. Quelques pistes de réflexion pour un bon usage de l’IA en classe.

Les nouvelles approches éducatives reposent de plus en plus sur des objets technologiques faisant intervenir l’IA. Se révélant surtout utile dans des périmètres d’usage précis comme la personnalisation des parcours, le tutorat intelligent ou la prédiction de l’abandon scolaire, l’IA suscite néanmoins des questions d’éthique relatives à la protection des données privées ou à la liberté pédagogique. « L’un des défis majeurs qui se posent dans le monde de l’éducation est donc la formation et l’acculturation des élèves et des enseignants aux enjeux de l’IA », explique Paul Sgro, directeur de la Maison de l’Intelligence Artificielle (MIA) à l’occasion d’un webinaire.

Démystifier l’IA auprès des acteurs éducatifs

Soulevé par les États généraux du numérique pour l’éducation, l’enjeu de l’innovation pédagogique a eu un écho auprès des instances de décision. Comme le rappelle Gérard Giraudon, conseiller du président de l’INRIA, « une stratégie d’accélération nationale pour repenser l’enseignement par le numérique a été lancée en juillet 2021, ce qui permettra le lancement d’un plan massif de formation à l’IA auprès des enseignants ». L’enjeu est de taille puisque l’IA, déjà mal comprise, fait l’objet de campagnes de désinformation. « En plus d’être formés aux compétences numériques en éducation, les enseignants doivent développer au sein des INSPÉ une réflexion critique autour de l’IA afin d’en comprendre les apports pédagogiques et les limites », souligne Margarida Romero, directrice de recherche au Laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation (LINE) de l’Université Côte-d’Azur. Cette réflexion, ils doivent ensuite pouvoir la transmettre et l’enrichir avec leurs élèves dans le cadre d’usages créatifs permettant d’enrichir les processus d’apprentissage.

Quels usages possibles en milieu éducatif ?

Bien employée, l’IA peut contribuer à créer de nouvelles perspectives éducatives. Si certains usages peuvent être passifs, par exemple lorsque les élèves consomment des ressources sur un écran, « il existe des usages créatifs, qu’ils soient individuels, collectifs ou participatifs. Des usages qui, en plus, peuvent répondre à des objectifs sociétaux comme le développement durable », explique Laurent Heiser, docteur en sciences de l’information et de la communication et chercheur associé au LINE. Pour développer « l’agentivité » des élèves, l’IA doit ainsi être embarquée dans des situations d’apprentissage où elle permet de développer des savoirs et des approches critiques. « Si on travaille, par exemple, sur le recyclage, on peut entraîner une machine à reconnaître des objets. Celle-ci aurait alors pour objectif d’apprendre à recycler. Il devient ainsi possible de retirer une plus-value de la machine, voire de la dominer », illustre-t-il.

Quels risques ?

Selon Simon Collin, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, une « vigilance critique » doit s’exercer sur les risques de tension entre « l’agentivité » individuelle des acteurs éducatifs et l’automatisation. Ce risque est sérieux « lorsqu’on ne permet pas aux acteurs de questionner certaines décisions éducatives prises par l’IA : l’enseignant perd alors de son jugement professionnel ». Une autre tension concerne l’indivisibilité de l’expérience éducative, qui entre en contradiction avec la standardisation technique. « L’IA est pertinente pour des tâches très circonscrites. Or, l’acte éducatif est une expérience complexe qui englobe des pratiques difficiles à cloisonner », ajoute-t-il. Ainsi, lorsque des données partielles sont recueillies sur un aspect éducatif précis, des erreurs d’appréciation peuvent se produire et porter préjudice à l’acte pédagogique.

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